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l’intervention européenne dans l’entrevue du 19 février avec M. Doblado, cette convention de la Soledad, qui a eu la singulière fortune d’exciter des sentimens si divers au Mexique et en Europe, que l’Angleterre approuvait absolument, que l’Espagne, par un prodige de souplesse, blâmait dans chacune de ses clauses pour la sanctionner dans son ensemble comme un fait accompli, et qui devenait de la part de la France l’objet d’un désaveu durement signifié, cette convention, quelle était-elle ? Elle reflétait la situation telle que les événemens l’avaient faite ; elle ne résolvait rien, et elle laissait tout en suspens jusqu’au 15 avril, jour où devaient s’ouvrir des négociations définitives. Elle ne reconnaissait pas précisément le gouvernement de M. Juarez, que l’on continuait à considérer comme « le dépositaire actuel du pouvoir, » selon les termes des premières communications diplomatiques ; mais elle partait de ce point, que ce gouvernement possédait « les élémens de force et d’opinion pour se maintenir, et que dès lors les alliés croyaient pouvoir entrer sur le terrain des traités, afin de formuler les réclamations qu’ils avaient à faire au nom de leurs nations respectives. » Elle autorisait les alliés à aller chercher des campemens plus salubres sur les hauts plateaux du Mexique, à Cordova, à Orizaba, à Tehuacan ; mais les forces européennes devaient repasser la chaîne fortifiée du Chiquihuite, qui défend les plateaux, si une rupture survenait. Le drapeau mexicain devait être arboré de nouveau à la Vera-Cruz et à Saint-Jean-d’Ulloa à côté de ceux des alliés. D’autres questions restaient indécises, telles que celle de la douane de la Vera-Cruz, dont on avait pris l’administration depuis le jour du débarquement. Sans doute ce n’était pas pour en venir là que l’alliance du 31 octobre avait été signée et qu’on était allé au Mexique dans l’appareil un peu solennel d’une intervention collective. Il y avait dans ces préliminaires des conditions qui, sans être contraires à la dignité des puissances, étaient du moins contraires à leur politique, et avaient je ne sais quoi d’agaçant. Telle qu’elle apparaissait cependant, cette convention de la Soledad était la rançon décevante, mais inévitable, de la situation, de la divergence des conseils, de l’impossibilité matérielle de marcher, de l’insuffisance des moyens ; elle était aussi le résultat du rapprochement du général Prim et de sir Charles Wike, qui ne laissait plus de place à une action réellement décisive. Si d’ailleurs il eût été possible de tenter un coup hardi des le premier jour du débarquement, ce qui est encore douteux et ce qui eût été toujours hasardeux, cette possibilité avait disparu après un séjour de deux mois, qui avait déjà affaibli les contingens européens. A. la lumière d’une telle situation, les préliminaires du 19 février redeviennent un incident de cet imbroglio diplomatique et militaire dont tout le monde mêlait les fils.