Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/746

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des trois puissances doit avoir pour objet d’obtenir la réparation des offenses connues, mais que si, à la vue de notre action, les Mexicains veulent établir l’ordre dans le gouvernement de leur pays, nous devons leur prêter notre appui de la manière qui nous sera possible ; que si, au moyen d’un congrès ou d’un vote spontané, ils veulent fonder une monarchie, nous devons leur prêter le même appui, et que, s’ils ne veulent rien de cela, nous devons nous contenter d’obtenir la réparation de nos griefs. J’ai répondu que c’étaient là les désirs de votre excellence. — M. Thouvenel a voulu me faire quelque indication sur la convenance de choisir un bon prince, si les Mexicains voulaient un roi ; mais nous sommes convenus que je ne connaissais à votre excellence d’autre volonté que celle d’aller ensemble au Mexique poursuivre la réparation de nos injures, protéger et appuyer l’établissement d’un gouvernement d’ordre, même de forme monarchique, si tel était le désir des Mexicains. » C’est en présence de cette éventualité prévue et définie, quoique laissée à la libre décision du peuple mexicain, que le traité du 31 octobre était signé, et que des forces militaires allaient partir, cinglant vers le golfe du Mexique.

Une fois sur ce terrain d’une action combinée, il faut le dire, la conséquence était naturelle. Trois puissances, dont deux étaient les premières puissances du monde, ne pouvaient évidemment s’allier dans l’unique dessein d’aller au Mexique venger quelques injures ou chercher des indemnités. Une coalition de la France, de l’Angleterre et de l’Espagne contre le Mexique et M. Juarez n’eût pas été exempte de ridicule. S’il ne s’agissait que d’aller imposer de nouveaux traités pour se retirer ensuite, ce n’était point la peine d’organiser une si formidable machine ; chacune des puissances eût suffi par elle-même, on le comprend, à sauvegarder sa propre dignité et ses intérêts. Il y avait donc une autre pensée, et tout s’enchaînait par une irrésistible logique. Le simple fait d’une démonstration collective de l’Europe impliquait un système d’action plus étendu. La répression des attentats commis contre les étrangers n’était rien sans des garanties efficaces et durables ; ces garanties, il n’y avait qu’un gouvernement plus stable, plus régulier qui pût les donner ; ce gouvernement pouvait devenir une monarchie. C’était là, à vrai dire, la portée, le sens du traité du 31 octobre.

On peut avoir des doutes, je le répète, sur cette politique ; mais du moins, pour qu’elle pût garder son prestige et son efficacité, il fallait qu’elle fût suivie avec une ferme et attentive prévoyance. Il fallait savoir où on allait, quelles ressources étaient nécessaires, sur quel terrain on s’engageait ; il fallait, si on ne voulait aboutir à quelque déception solennelle, ne point laisser flotter la direction