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tous les partis mexicains, et des conditions de rapports extérieurs créés par des révolutions sans terme ; elle naissait d’une nécessité immédiate de protection, de sécurité, de réparation, d’un sentiment d’humanité aussi bien que d’une idée d’avenir, et cette pensée n’était pas même nouvelle : elle s’était manifestée déjà lorsque la guerre civile sévissait dans toute son intensité entre Miramon et M. Juarez. L’Angleterre et la France avaient offert leur médiation, et la première condition était déjà que le pays serait consulté, qu’un congrès général serait appelé à constituer la république. Que s’était-il passé depuis ce moment jusqu’en 1861, et quelle différence y avait-il entre les deux époques ? Lorsque se produisait ce premier et inutile essai de médiation, Miramon occupait Mexico, M. Juarez était à la Véra-Cruz, et les bandes libérales dévastaient le pays. En 1861, je le disais, c’était M. Juarez qui siégeait à Mexico, tandis que les bandes conservatrices à leur tour se répandaient de tous côtés, tenant en échec le gouvernement nouveau. Au fond, l’anarchie était la même, les griefs n’avaient fait que se multiplier et s’aggraver.

Tout ramenait donc l’Europe à cette nécessité d’assurer la protection de ses intérêts, la réparation de ses griefs, en aidant au besoin le Mexique à se raffermir, à se réorganiser dans des conditions d’une sécurité durable. Seulement sous quelles formes et dans quelles limites cette intervention pouvait-elle se réaliser pour devenir efficace, pour faire marcher ensemble la protection des intérêts européens compromis et la reconstitution possible du Mexique ? Dars quelle mesure les diverses puissances étaient-elles disposées à faire sentir leur action ? Comment combiner les vues, les intérêts, les desseins de gouvernemens rapprochés par ce premier lien d’injures communes à venger ? C’est alors que survient le traité du 31 octobre 1861 entre la France, l’Angleterre et l’Espagne, associant leurs griefs et leurs plaintes.

Jusque-là, les trois puissances s’étaient bornées à échanger des vues bien plus qu’elles n’avaient formé des projets ; elles avaient noué, interrompu, renoué de temps à autre des conversations diplomatiques bien plus qu’elles n’avaient songé à aller au Mexique essayer de créer une situation nouvelle. Jusqu’au dernier moment, l’Angleterre négociait ; son représentant, sir Charles Wike, s’efforçait d’en finir par une convention ajoutée à tant d’autres conventions : il croyait avoir réussi lorsque le congrès de Mexico refusait de sanctionner ce dernier essai de transaction. Jusqu’à la dernière heure, la France, elle aussi, en était à tenter de faire accepter ses réclamations. L’Espagne elle-même, bien qu’en rupture ouverte avec le gouvernement mexicain, négociait par l’intermédiaire du ministre de France, resté chargé de la protection des intérêts espagnols. Depuis