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pas étrangère à l’acharnement de la lutte. Quoi qu’il en soit, entre les deux partis c’est un combat à outrance plein de meurtres et de dévastations, et sur ce terrain, il faut le dire, c’est une sinistre émulation. Il y a un an à peine, au mois de juillet 1861, un homme qui avait été le ministre des affaires étrangères de M. Juarez, don Melchior Ocampo, fut pris dans une maison de campagne par une bande d’insurgés ; on le passa immédiatement par les armes sur la simple constatation de son identité. Que faisait de son côté le congrès de Mexico en apprenant cette exécution ? Il répondait en mettant à prix les têtes de sept des principaux chefs conservateurs : 70,000 piastres pour sept têtes ! Ce qu’était devenue cette guerre civile, on peut le voir par une sorte de programme parti au même instant du camp réactionnaire. « Que signifie la mort d’Ocampo ? disait-on ; c’est la plus juste, la plus convenable, la plus opportune des représailles. Ils ont dit : « Ocampo était la gloire du parti démocratique, le défenseur de la réforme, un des hommes les plus purs de la révolution ; » il était naturel, par cela même, que sa mort suivît immédiatement sa capture. Depuis que le sang de l’immortel Manero fut brutalement jeté au visage de ses amis, toutes les victimes de la révolution réclament du sang. C’est du sang que veulent les ombres du vaillant Orihuela, de l’héroïque Blancarte, du brave colonel Pielago de l’infortuné Arguelles, et aussi les froids assassinats du mont des Cruces, et les dernières fusillades du Palais-National… dès aujourd’hui les événemens prendront un nouvel aspect, la comédie sera un drame. La guerre qui a été jusqu’ici dévastatrice, cruelle, sera à l’avenir féroce, sanglante, véritablement mortelle. Plus de ces traits de chevalerie, de ces considérations politiques, de ces attentions courtoises et de ces respects de l’humanité qui caractérisent la guerre chez les nations civilisées. Non, on nous exclut des garanties assurées à tous les hommes, on excite la cupidité des criminels en mettant nos têtes à prix. Soit, la réaction accepte… Guerre donc, guerre d’extermination, guerre sans miséricorde ! la réaction ne demande ni n’accorde de merci !… » C’est entre ces défis sanglans et ces actes d’extermination de partis impuissans à se réduire que s’est formée au Mexique, parmi les hommes étrangers aux passions extrêmes, cette pensée d’un appel à l’Europe, invoquée comme médiatrice de civilisation et d’humanité, pensée qui n’était pas ; autant qu’on le croit, le rêve de quelques émigrés jetés hors de leur pays.

Un autre caractère de cette guerre, qui mettait plus directement en cause l’Europe elle-même et qui lui créait une sorte d’obligation en lui donnant des armes, c’est que la sécurité de tous les intérêts étrangers n’a fait que devenir chaque jour plus problématique au milieu de ces scènes de meurtre et de dévastation. Des consuls assassinés