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a laissé des doutes sur l’intégrité du récit, très brusquement interrompu, et si les mots sacramentels (the end) ne nous avaient édifié à ce sujet, nous aurions cru à l’existence d’un troisième volume, accidentellement égaré. Quoi qu’il en soit de cette impression, peut-être mal fondée, voici en quelques mots de quoi il s’agit. Issue d’un mariage mal assorti et déclassée par le mariage de sa mère avec une espèce d’aventurier, Laura Whitmore est ramenée pour quelques semaines chez un oncle riche et veuf, dont la nièce est charmante, dont le fils est passablement étourdi. Le mariage de ces deux jeunes gens est de ceux qu’on peut regarder comme écrits d’avance dans le livre du destin ; mais l’arrivée de Laura est le point de départ d’un nouvel ordre de faits. Belle, adroite, insinuante, spirituelle, cette fatale créature, dont la jeunesse mal protégée a subi mainte influence corruptrice, commence par gagner le cœur de l’innocente Ida, et ne tarde pas à s’établir d’une manière permanente chez le parent de sa mère. Ce premier pas la conduit à séduire le fils de la maison, qui l’épouserait sans nul doute, si elle consentait immédiatement à cette union ; mais l’artificieuse coquette, tout en se ménageant la main de Walter Stainforth comme pis-aller, ajourne, par tous les moyens dont elle dispose, ce mariage, qui semble pour elle une bonne fortune inespérée. On comprend que si elle agit ainsi, c’est en vue d’un autre hymen qui la placerait à un rang plus élevé dans la hiérarchie sociale. Toutefois le jeune patricien dont elle veut faire un mari, George Merton, se trouve un jouteur digne d’elle. La laissant à plaisir se bercer de chimères ambitieuses et se compromettre pour mieux l’engager, il lui échappe au moment décisif. Par malheur pour Laura, une dernière démarche, plus risquée que les autres, a éveillé les soupçons de Walter, et devant le piège qui lui était tendu, il recule avec une horreur bien naturelle. C’est après cette rupture décisive que M. Stainforth est averti des projets d’alliance formés par son fils, et que ce dernier avait tenus secrets, Laura l’ayant exigé de lui. De là entre le père et le fils un germe d’irritation que l’habile coquette saura tourner à son profit. Walter en effet s’éloigne, et une nouvelle campagne fait tomber son père dans les filets de la dangereuse sirène. Cette fois elle a victoire complète. Malgré la pauvre Ida, malgré l’impétueux Walter, — deux maladroits s’il en fut, — Laura Whitmore devient la tante de sa rivale, la belle-mère de son ancien prétendu. Walter songe alors pour la première fois, et un peu tard, à épouser sa belle et tendre cousine ; mais en de telles circonstances pareille offre n’a rien de très séduisant pour un cœur tant soit peu délicat, et Ida refuse, bien à regret, cette main qu’on lui propose, peut-elle croire, par un simple mouvement de charité généreuse.

Mistress Stainforth travaille de son mieux, une fois mariée, à faire