Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/702

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’était donnée. Leurs amours d’autrefois ne sont plus qu’un souvenir, mais ce souvenir les unit étroitement l’un à l’autre. Pour qui connaît, ne fût-ce que par ouï-dire, les mœurs florentines, — et n’eût-on à ce sujet que les traditions romanesques de Stendhal, — il y a dans cette « amitié » du beau chanoine et de la belle Marietta quelques sous-entendus fort probables. Nous imiterons, en n’insistant pas là-dessus, la réserve dont l’auteur anglais a fait preuve, et qui rappelle la devise de certaine jarretière historique.

Tandis que les choses vont ce train au palais Lunardi un complot s’ourdit ailleurs pour la conquête de cette magnifique demeure. Les Perini ont pour gérant de leurs domaines (pour fattore comme on dit) un fin contadino, Carlo Palli, qui s’est déjà taillé une belle ferme dans le meilleur et le plus productif des biens qu’il est chargé d’administrer. Le frère de ce digne fermier, Giuseppe Palli, joaillier au Ponte-Vecchio, s’entend avec Carlo pour fournir au marquis, moyennant bonnes hypothèques ou garanties, tout l’argent que réclament ses habitudes dispendieuses, ses mœurs dissipées, son constant malheur au jeu. C’est à qui, du madré négociant et du paysan retors, se fera la meilleure part dans la proie commune, quitte cependant à confondre les bénéfices de la double opération dans la fortune dotale qu’ils assureront à leurs enfans, si Nanni, fils unique du fermier, en vient à épouser sa cousine germaine, la belle Laura, fille unique de Giuseppe. Le cas échéant, les jeunes mariés ont toute chance d’habiter le palais Lunardi ; mais de tout temps le dieu d’amour en ses malices s’est complu à déjouer de telles combinaisons, et Laura Palli n’a garde d’accepter les hommages un peu gauches, un peu intéressés de son rustique cousin. Il a été devancé par Sébastian de Lunardi, qui n’a point cru manquer à ses aïeux en s’éprenant de la plus belle fille de Florence. Nanni s’en consolera, car il a lui-même un goût fort vif pour une gentille ouvrière, Catarina Boccanera, moins riche et moins belle que Laura, mais aussi plus aimante et moins dédaigneuse.

L’intrigue ainsi nouée se déroule sans trop de peine, et nous ne ferons pas à la perspicacité de nos lecteurs l’injure d’y insister longuement. Ils devineront sans peine qu’un double mariage finit par tout arranger en rendant parfaitement inutiles les patientes combinaisons de la comtesse Marietta. Les quarante mille écus qu’elle avait mis de côté deviennent la dot de Sébastian, à qui l’orfèvre du Ponte-Vecchio ne refuse plus sa fille, dotée du fameux palazzo. L’unique péripétie un peu grave de cet imbroglio très peu savant consiste dans l’intervention du chanoine Guidi, qui, dans des vues personnelles, pratique à l’égard de son vieux collègue Giacomo de Lunardi une tentative d’empoisonnement à laquelle il s’efforce d’associer indirectement