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chevet de son époux. L’intervention de l’officieux Anthony porte tous les fruits qu’il en attendait : la femme et le mari se réconciliant ; mais l’orgueil de la marquise survit tout entier au généreux pardon qui annule ses fautes passées. Les hommages d’un jeune duc, devenu poète pour l’amour d’elle, flattent singulièrement cet orgueil insatiable, et la belle Almoscinia, sur le point de succomber encore, s’estime fort humiliée des remontrances justement sévères que le vigilant Anthony croit devoir lui faire entendre. Il insiste néanmoins et dans un moment décisif il va jusqu’à porter la main sur elle… Un coup de poignard punit cet irrévérencieux rigorisme, et la marquise ne craint pas, pour se justifier, d’avoir recours à la calomnie. Elle affirme n’avoir frappé qu’un insolent prêt à lui faire violence, et son crédule mari accepte sans hésiter cette explication, qui le dispense de tout regret ; mais la Providence, moins aveugle que lui, fait déjà planer le châtiment sur la tête des coupables. Almoscinia et le duc, tous deux sans le moindre remords, se promènent à cheval sur des rochers et concertent un enlèvement dont l’heure est déjà fixée, quand vient à passer le cortège funéraire du pauvre Anthony. Le cheval monté par la marquise, devenu tout à coup fort ombrageux, s’emporte et roule avec sa maîtresse au fond d’un précipice. On la relève mourante, et le digne mari reçoit sa confession finale, « qui lui brisa le cœur, tout en lui inspirant une pitié profonde. » Ainsi finit ce triste récit, moins funèbre cependant qu’une autre série de souvenirs encore évoqués par une sirène, et toujours sans qu’on puisse savoir ce que la sirène vient faire là.

Dans cette nouvelle tragédie (the Warning Star), il s’agit d’une jeune Grecque, non moins belle et non moins fragile que notre marquise espagnole. Amanda, — ainsi se nomme-t-elle, — est avec son prétendu Zia d’une coquetterie qui passe les bornes et qui récompense mal le dévouement inaltérable de cet amant modèle. Après lui avoir donné les plus légitimes sujets de jalousie en s’occupant fort indiscrètement d’un certain Aristes, jeune galant d’humeur, très peu accommodante, elle prend un beau jour la clé des champs, en costume d’homme, et sans qu’on puisse savoir ce qu’elle est devenue. On devine sans peine ce qu’une pareille escapade comporté de fâcheuses aventures, et la malheureuse Amanda court effectivement de grands risqués avant d’arriver, tremblant la fièvre, dans un misérable village où elle est recueillie à grand’peine par une vieille harpie dont le premier soin est de la dépouiller du seul joyau qui lui restât : un portrait de son fiancé Zia, monté en or et enrichi de brillans. Ce portrait, vendu à la ville voisine par l’avide paysanne, fait retrouver les traces de l’imprudente jeune fille, que Zia vient chercher en toute hâte et qu’il épouse comme si de rien n’était. Grave erreur, et