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Près de l’entrée qui conduit aux jardins de la Société d’Horticulture, sous un escalier, est une place étroite et un peu sombre réservée à l’exhibition de certains produits grossiers. « Où suis-je ici ? demandai-je la veille de l’ouverture à un homme d’une figure intelligente qui était en train d’arranger son étalage. — Vous êtes sous l’équateur, » me répondit-il. J’avais en effet devant les yeux des spécimens de l’industrie telle que la pratiquent les nègres dans l’Afrique centrale et occidentale : c’étaient quelques étoffes tissées avec des feuilles de palmier ou d’autres plantes exotiques, des habillemens d’homme ou de femme aux formes très simples, des calebasses, des huiles faites avec la semence du melon sauvage, des fruits de l’arbre à beurre, des feuilles sèches du palmier à vin pour recouvrir les cabanes, et, — ce qui annonçait comme le premier pas vers le comfort domestique, — des nattes teintes de différentes couleurs et tressées avec les feuilles du phœnix spinosa. Tout dans ces rudimens de l’industrie proclame des peuples ou des tribus stationnaires, toujours au même âge, dont l’activité s’arrête dès que les premiers besoins de la vie se trouvent plus ou moins satisfaits, et qui se plongent alors avec une indolence fatale dans les jouissances bornées de l’état barbare. Ils appartiennent à la terre, la terre ne leur appartient pas ; aussi tout ce qu’ils ont à nous montrer consiste en produits du sol très peu modifiés par la main de l’homme. L’éternelle enfance de ces races endormies dans la nature contraste d’une manière pénible avec le travail des civilisations qui élèvent dans la nef centrale les trophées de leur industrie et le témoignage de leurs conquêtes. Et pourtant un grand intérêt politique et commercial s’attache aux régions mal connues d’où nous viennent ces objets de peu de valeur. L’Angleterre, depuis surtout une année, a tourné ses regards vers le monde noir ; c’est de là qu’elle attend en grande partie le moyen de relever l’activité de ses fabriques, interrompue par la guerre civile des États-Unis, de donner du travail et du pain à une population ouvrière de deux ou trois millions, et d’alimenter son commerce maritime. Ne voyez-vous pas dans une des cases les feuilles et les semences de l’arbre à coton ? N’apercevez-vous pas le coton lui-même à ses divers états de formation ? Là est peut-être le salut pour les manufactures de la Grande-Bretagne. Selon les renseignemens que nous devons à l’exhibiteur de ces produits africains, le coton croît en abondance dans la contrée d’Yoruba, surtout à l’est et au nord. Pour obtenir une provision considérable de cette substance, à laquelle se lie si étroitement le sort des populations blanches, il ne faut qu’ouvrir des moyens de communication et apporter de l’argent sur le marché.

La guerre civile d’Amérique et les inquiétudes qu’elle excite dans