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LA
LITTERATURE ROMANESQUE

IV.
LA REINE DE NAVARRE ET L'HEPTAMERON
D'APRES DE NOUVEAUX DOCUMENS.

En traitant ici de l’histoire du roman en France, je n’ai point encore parlé de cette branche particulière de la fiction romanesque à laquelle on a donné le nom de nouvelle. Je voudrais indiquer les caractères généraux et les variations de ce genre d’ouvrage jusqu’au XVIIe siècle, en m’attachant principalement au fameux recueil composé par la reine de Navarre ; mais comment parler de l’Heptaméron sans discuter d’abord l’imputation très grave qu’on a portée dans ces derniers temps contre la mémoire de l’auteur ? Si cette imputation, jusqu’ici étrangère à l’histoire et produite de nos jours pour la première fois dans un ouvrage sérieux, n’avait eu aucun retentissement, ceux qui la considèrent comme une hypothèse absolument chimérique pourraient se contenter de la repousser en passant. Quand on voit cependant avec quelle facilité une allégation si peu motivée et en elle-même si répugnante malgré les adoucissemens romanesques dont on l’entoure peut se propager et acquérir de la consistance quand on voit l’interprétation, la plus bizarre et la plus invraisemblable d’un document obscur se faire accepter non-seulement par des écrivains superficiels, mais par des historiens accrédités, et modifier plus ou moins leurs opinions sur des personnages historiques, on éprouve naturellement le besoin de serrer de près la prétendue