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celle d’incorporer ses états héréditaires au royaume de Bohême et de faire respecter les compactats du concile de Bâle ; bref, le duc et les électeurs ne peuvent réussir à s’entendre. Ce premier effort d’union accompli tant bien que mal entre les seigneurs, les chevaliers et les bourgeois, cette convocation d’une diète, ces délibérations, ces votes, ce choix d’un souverain, tout cela se trouvait annulé du même coup, et l’on retombait plus lourdement dans les ténèbres de l’anarchie.

Au milieu des partis sans nombre qui divisaient la Bohême, à travers les intérêts ou les griefs particuliers qui augmentaient encore les complications publiques, M. Palacky remarque pourtant quatre groupes qui se dessinaient assez bien dans ce pêle-mêle effroyable. Aux deux extrémités opposées se trouvaient les catholiques et les. taborites, au centre les calixtins modérés et les calixtins ardens. Ces deux derniers partis représentaient la masse de la nation, l’un avec une modération parfois excessive et qui paralysait sa force, l’autre avec une ardeur intelligente qui devait lui assurer la victoire. Le chef des calixtins modérés était un seigneur nommé Meinhardt de Neuhaus ; les ardens, les zélés, comme on les appelait (die Eifriger), obéissaient à un des personnages les plus considérables du royaume, le sire Ptacek de Pirkstein. C’était vraiment un chef, aussi intelligent que brave, habile à manier les hommes, vigilant, résolu, désintéressé, trop fier pour mettre ses hautes facultés au service d’une cause qui ne fût pas celle de la patrie. Sur ce théâtre obscur et dans la confusion d’une mêlée qui a fait fuir la muse de l’histoire, il y a eu là des efforts de génie, des preuves d’héroïsme moral qui eussent suffi à immortaliser un nom. Quelle activité ! quelle persévérance ! quel mélange de circonspection et d’audace ! Avec quelle vigueur le sire de Pirkstein réunissait les élémens dispersés de la patrie et l’empêchait de se dissoudre ! Comme il était prêt à recommencer sa tâche chaque fois qu’il voyait s’écrouler les basés à peine établies de son édifice ! Si quelque force humaine a maintenu ce malheureux royaume pendant les cinq années qui suivirent la mort d’Albert d’Autriche, si quelque autorité, sans autre droit que celui du danger public, a pu arrêter l’œuvre de destruction préparée par, cette épouvantable anarchie, ce fut la force et l’autorité du sire Ptacek de Pirkstein.

Son but, à ce qu’il semble, était d’amener à lui les calixtins modérés, de les réconcilier avec leurs frères, comme aussi de ramener les taborites à des vues plus sages, plus pratiques, ou bien de les écraser à jamais, s’ils persistaient à compromettre la révolution par leurs violences. Les modérés, satisfaits des concessions obtenues du concile de Bâle, déclaraient vouloir s’en tenir là : l’abstention d’un parti si nombreux, et recruté surtout dans la population des villes,