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questions de théologie sur l’administration des sacremens, nous ne voulons pas non plus recommencer après tant d’autres l’exposé des doctrines de Jean Huss et de Jérôme de Prague ; rappelons seulement que les deux réformateurs, bien loin de rejeter le plus doux et le plus profond des symboles, étaient possédés au contraire à ce sujet d’une sorte de divin enthousiasme, et qu’ils avaient communiqué cet enthousiasme à tout un peuple ; rappelons aussi que, dans la primitive église comme dans maintes périodes du moyen âge, la forme de la communion était une question libre, que la communion sous les deux espèces a été tour à tour ordonnée ou interdite selon les circonstances, et que les pères du concile de Bâle, en cédant sur ce point aux hussites, ne faisaient en réalité aucun sacrifice important à esprit de concorde évangélique. Quant à l’enseignement de Jean Huss, si indécis qu’il fût en ses formules, est-il besoin de dire qu’il ne se réduisait pas à une question de discipline ? Pour les plus modérés des hussites, la question du calice, comme on disait, était avant tout un symbole, le symbole des libertés et des réformes si impatiemment désirées, le symbole d’un retour à la primitive église, à cette église sans hiérarchie, sans organisation extérieure, où l’on ne voyait que Dieu et l’homme, Jésus et ses disciples. M. Guizot, dans son Histoire de la civilisation en Europe, a parfaitement montré que le XVe siècle avait vu se produire deux tentatives de réforme, l’une dirigée par l’aristocratie ecclésiastique elle-même et représentée par les conciles, l’autre sortie du peuple, violente, passionnée, avec Jean Huss et les hussites. Entre ces deux puissances qui marchaient au même but, ajoute l’éminent historien, la lutte ne tarda pas à éclater, et Jean Huss succomba devant le concile, comme le concile à son tour, succomba devant le saint-siège. La scène que nous venons de raconter semble marquer le terme de cette lutte entre les deux réformes. La réconciliation solennelle célébrée Iglau le 5 juillet 1436 est comme la contre-partie de cette horrible journée du 6 juillet 1415, où les réformateurs aristocratiques avaient allumé le bûcher des réformateurs populaires. Cependant il y avait autre chose que des souvenirs de sang entre les deux partis, il y avait des principes hostiles. Les pères du concile voulaient corriger les abus et limiter le pouvoir de l’église romaine ; les ardens schismatiques de Bohême faisaient appel aux mœurs, aux croyances, au culte, à la discipline de la primitive église, et, sans toucher à l’organisation ecclésiastique en dehors de la Bohême, ils réclamaient le droit de renouveler librement chez eux l’exemple des temps apostoliques. L’esprit de réforme tel que l’entendaient les conciles du XVe siècle devait conduire au gallicanisme, au système des concordats ; l’esprit de réforme qui animait les hussites, adopté bientôt par une race d’hommes bien autrement hostile aux traditions latines que ne l’était