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Les compactats de Bâle, comme les appelle l’histoire, mettent-ils fin à ce terrible drame ? Non ; la politique romaine, occupée à déjouer l’esprit de réforme qui anime les conciles, n’a garde de laisser subsister longtemps un pareil exemple ; les concessions faites aux hussites sont reprises par le saint-siège, et la lutte va recommencer. Les désordres de la Bohême, les rancunes des partis, les rivalités des classes, tous ces résultats inévitables d’une si longue et si horrible crise, offraient une occasion trop commode aux projets de la réaction. Pendant une quinzaine d’années, tous les efforts du pape et de l’empereur ont pour but d’anéantir les transactions du concile. Ce qui semblait à jamais gagné est décidément remis en cause. Si quelque chef puissant ne vient pas défendre les conquêtes de la révolution, c’est en vain que des flots de sang auront coulé, en vain que sous les drapeaux de Ziska et de Procope le Grand tant de vaillans hommes auront donné leur vie pour leur foi. Ce chef si ardemment appelé a-t-il donc manqué aux événemens ? On le croyait jusqu’ici, mais l’érudition de nos jours a retrouvé son héroïque figure. Il s’appelait George de Podiebrad. Issu de la noblesse de Bohême, longtemps mêlé aux guerres qui ont désolé sa patrie, c’est un hussite, c’est le représentant armé des intérêts nouveaux. La révolution, qui a besoin de lui, le prend par la main et le pousse aux premiers rangs de l’état. Elle l’a fait soldat, général, chef de parti, elle le fait roi. Le roi George de Podiebrad est le grand personnage de la Bohême dans la seconde moitié du XVe siècle ; si Matthias Corvin, son gendre, ne régnait alors en Hongrie, je dirais que le roi de Bohême est le plus grand personnage de l’Europe orientale. Il rassemble les héritiers de Ziska et de Procope à demi dispersés par la diplomatie romaine, il relève la cause de la religion de ses pères, il est ferme autant que circonspect, il négocie et il combat, il conçoit les plus grands projets en face de l’église et de l’empire acharnés à sa perte, il veut acheter du saint-siège la liberté religieuse de la Bohême en chassant les Turcs de Constantinople, il prépare une croisade, il rêve la couronne d’Orient ; n’est-ce qu’un rêve ? À voir ce qu’il a fait en Allemagne avec ses Bohèmes, on peut deviner ce qu’il eût fait contre les Ottomans, si le saint-siège, aidé du fanatisme hongrois, n’eût écrasé ce grand homme, le premier soldat de la liberté chrétienne dans le monde moderne. Après avoir tenu l’empire en échec pendant plus de vingt années, après des miracles d’activité, de patience, de sagesse, de courage, d’héroïsme, George de Podiebrad succombe ; mais il a donné un magnifique cinquième acte à la tragédie hussite.

Autrefois, quand on parlait de cette dernière période des guerres de Bohême, on se Bornait à signaler la chute définitive des partisans de Jean Huss. George de Podiebrad, enveloppé dans l’immense