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rogatives dans les limites de la loi, il s’attacha surtout à protéger les arts, les lettres et l’industrie. Ses rares qualités apparurent surtout à travers le coup de foudre qui vint l’enlever dans la force de l’âge. Le deuil volontaire de tout un peuple fut alors un hommage rendu aussi bien à la grandeur de la constitution anglaise qu’à la sagesse de l’homme qui avait eu le noble courage de la respecter. C’est à lui qu’était due l’idée de l’exposition de 1851. Quelqu’un étant venu alors lui proposer le plan d’une exhibition nationale : « Pourquoi pas, s’écria-t-il, une exhibition universelle ? » C’est aussi sur son concours, sur son influence, sur ses lumières que l’on comptait pour donner de l’éclat à l’œuvre de 1862. Cet ensemble de circonstances explique assez comment son nom a été mêlé par les Anglais à toutes les phases de l’histoire de l’exposition, et comment le jour de l’ouverture il était, ainsi qu’on l’a dit, plus présent que jamais par son absence.

L’édifice était à peine construit que commença une des tâches les plus difficiles du comité : c’était celle d’assigner une place aux différentes nations et de classer les objets qui arrivaient de tous les coins du monde. L’Angleterre, étant chez elle, se fit la part du lion ; elle décida qu’une moitié de l’édifice appartiendrait à l’exposition de ses produits, et que l’autre moitié serait distribuée, selon l’ordre d’importance, entre les divers états du globe terrestre. Si le comité eût d’ailleurs cédé à la pression des demandes qui affluaient de tous les points du royaume, le monument tout entier, eût-il été trois fois plus grand qu’il n’est, n’aurait point suffi à contenir tous les envois de l’industrie britannique. Ce combat des places, c’est le nom que lui ont infligé les Anglais, donna lieu, ainsi qu’il était facile de le prévoir, à bien des jalousies, à d’ardentes rivalités, et quelques-uns des candidats exposans se retirèrent plutôt que d’accepter le défi sur un terrain qu’ils considéraient comme trop étroit. Un spectacle intéressant était de voir au mois de mars 1862, à l’intérieur du grand édifice vide et à peine terminé, le corps des sapeurs et des mineurs anglais occupé à tracer sur le plancher, avec de la couleur rouge, la limite des empires. Ce réseau de lignes destinées à marquer la place des nations, des provinces, des villes ou des simples fabriques, ressemblait un peu au tissu de Pénélope, car le passage continuel des ouvriers effaçait la peinture et obligeait de recommencer. C’est pourtant sur ces raies et ces diagrammes que devaient s’élever les compartimens et s’étendre les espaces destinés à représenter en quelque sorte les frontières dans la configuration géographique de notre planète. La classification des produits offrait une autre source d’embarras. En 1851, on avait jugé à propos de ranger les substances transformées par l’industrie selon les trois règnes de la nature ; mais