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et des nouvelles difficultés qui s’y préparaient. On croyait le désir du mariage espagnol toujours si vif dans l’esprit du roi Jacques, et ses engagemens, comme ceux du prince son fils, paraissaient si formels, qu’on était convaincu qu’ils se contenteraient l’un et l’autre de ce qu’on leur promettait en faveur de l’électeur palatin, comme ils avaient accepté ce qu’on avait exigé d’eux en faveur des catholiques. Dans cette persuasion, et comptant aussi sur l’arrivée très prochaine de la dispense définitive du nouveau pape, le roi d’Espagne faisait faire tous les préparatifs du mariage ; on construisait et on ornait de magnifiques tentures une galerie couverte allant du palais à l’église ; on expédiait dans les principales villes du royaume des ordres pour les réjouissances publiques ; enfin, la dispense papale arrivée, on fixa le jour des fiançailles au 20 novembre, celui du mariage au 9 décembre ; on adressa à la noblesse espagnole l’invitation d’y assister, et, en attendant ces solennelles cérémonies, les deux ambassadeurs d’Angleterre, sir Walter Astoh et le comte de Bristol, étaient traités avec la faveur la plus familière. « Nous n’avons pas besoin, comme les autres ambassadeurs, de demander une audience pour voir le roi, écrivait lord Bristol[1] ; nous avons libre accès auprès de lui en lui faisant dire, par un gentilhomme de sa chambre, que nous sommes là. Le 7 de ce mois, à l’occasion d’un incident dans l’affaire du Palatinat, il nous fit appeler à l’Escurial, où il était allé passer quelques jours pour la chasse ; à peine étions-nous arrivés que le comte d’Olivarez nous emmena dans la chambre du roi, que nous trouvâmes en robe de chambre, comme il est avec ses serviteurs personnels ; il nous reçut avec une affabilité singulière : maintenant, nous dit-il, qu’il regardait notre prince comme son frère, il voulait nous traiter, non comme des ambassadeurs, mais comme des personnes de sa maison. Après le dîner, il nous mena promener dans son carrosse, où nous étions seuls avec son frère don Carlos et le comte d’Olivarez. Le lendemain matin, il voulut que nous allassions chasser librement dans les bois voisins du palais, où nous tuâmes chacun un cerf, et, de retour à l’Escurial, nous fûmes admis à voir dîner le roi. Ces façons d’agir, qui paraîtront de peu d’importance en Angleterre, où elles sont habituelles, sont ici regardées comme des faveurs extraordinaires, et telles, j’ose le dire, qu’on n’en avait encore pas vu d’exemple. »

Il y eut quelques embarras sur la question de la dot. « Non-seulement le comte d’Olivarez, écrivit lord Bristol au prince Charles[2], mais tout le conseil ignorait ce qui s’était passé du temps du feu

  1. Le 24 octobre (3 novembre) 1623.
  2. Le 24 septembre (4 octobre) 1623.