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pas sincèrement le mariage, et y renonçait-il sérieusement lui-même ? ou bien cédait-il à contre-cœur, et sauf meilleur avis, au déplaisir que Charles et Buckingham rapportaient de Madrid et à leur éloignement pour l’union qu’ils étaient allés y chercher ? Il y eut, je pense, à ce moment, dans le langage et la conduite du roi Jacques, plus de faiblesse que de résolution réelle, et il se laissa dominer par l’humeur de son fils et de son favori, sans abandonner effectivement son propre et ancien désir. Quoi qu’il en soit, le surlendemain même du retour des deux voyageurs[1], il envoya à son ambassadeur, lord Bristol, l’ordre de demander à la cour de Madrid des paroles plus catégoriques quant au rétablissement de l’électeur palatin, et aussi de faire ajourner aux fêtes de Noël la cérémonie des fiançailles, où, selon la procuration qu’il avait laissée en partant, le prince Charles devait être représenté par le roi Philippe IV ou par l’infant don Carlos.

Rien ne pouvait être plus embarrassant pour l’ambassadeur, ni plus blessant pour le roi d’Espagne et pour l’infante elle-même. Depuis le départ du prince Charles, lord Bristol, dévoué au mariage, avait assidûment travaillé à dissiper les doutes de son prince et de l’infante sur leurs sentimens mutuels, et à établir qu’ils étaient vraiment épris l’un de l’autre. « J’ai à donner à votre altesse, écrivait-il à Charles[2], quelques détails sur la princesse qu’il lui sera, je pense, agréable de connaître. Après que votre altesse a eu quitté Madrid, quelques soupçons se sont élevés, surtout à cause des lettres de quelques personnes qui avaient accompagné votre altesse à Santander, sur votre affection pour l’infante et sur l’exacte observation des engagemens convenus ; mais je puis assurer votre altesse qu’il n’a pas été possible de faire naître dans le cœur de l’infante la moindre méfiance sur vos sentimens pour elle : elle a toujours témoigné son déplaisir à ceux qui osaient lui tenir ce langage, et elle a toujours parlé de votre altesse avec un respect et un attachement dont les personnes qui l’entourent ne laissent pas d’être un peu surprises.

« Avant l’embarquement de votre altesse, quelques personnes avaient témoigné le désir que la princesse vous envoyât quelque gage d’affection. Je puis dire à votre altesse que la comtesse d’Olivarez n’y était point contraire, ni, j’en suis sûr, la princesse elle-même ; mais on a dit que cela ne pouvait se faire sans l’autorisation du conseil, et les membres de ce conseil ont allégué que, si votre altesse n’accomplissait pas ce qui a été convenu, de telles marques

  1. Le 8 (18) octobre 1623.
  2. Le 21 septembre (1er octobre) 1623.