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alternatifs ils s’engageaient en poursuivant ce double et contradictoire dessein. Tant qu’il ne s’agit que de parler et de négocier, on put croire qu’on marchait vers le but ; mais, quand vint le moment d’exécuter ce qu’on s’était dit, on se sentit perplexe et forcé de s’arrêter. Le roi Jacques n’osait ni abandonner en Allemagne les intérêts des protestans et de sa fille, ni tenir efficacement à Londres les promesses que, par la bouche de son fils, il avait faites à Madrid en faveur des catholiques. Philippe IV, de son côté, n’osait ni faire en Allemagne la guerre à l’empereur Ferdinand, son oncle et chef des catholiques, ni se refuser à rien de ce qu’exigeait le pape pour consentir au mariage protestant de l’infante sa sœur. Soit préméditation, soit imprévoyance, les deux gouvernemens se voyaient réduits à la fourberie ou à la duperie, et impuissans l’un et l’autre à accomplir ce qu’ils s’étaient mutuellement promis.

Pour sortir de cette ridicule situation, le roi Jacques et le prince Charles ne virent d’autre moyen, l’un que de rappeler formellement son fils à Londres, l’autre que d’y retourner précipitamment, laissant en suspens à Madrid toutes les questions que, par son chevaleresque voyage, il s’était flatté de résoudre. Cottington arriva le 15 août à Madrid, porteur de l’ordre de retour ; quinze jours après, Charles et Buckingham écrivirent au roi Jacques : « Nous n’avons été si longtemps sans vous répondre que parce que nous voulions tenter tous les moyens possibles pour décider cette cour à laisser partir l’infante avant l’hiver. Par pure forme, ils ont convoqué et consulté l’assemblée des théologiens, après quoi ils ont persisté dans leur résolution. Les circonstances nous persuadent que la conscience n’est que la cause apparente, et non la vraie, qui les décide à retenir l’infante. N’ayant pu réussir à vous amener celle que nous désirions, nous nous consolons dans l’espérance de baiser bientôt les mains de votre majesté. » Le 7 septembre, le roi d’Espagne et le prince de Galles confirmèrent par un nouvel acte les articles, tant secrets que publics, que le roi Jacques avait jurés à Londres le 30 juillet, et qu’ils avaient signés eux-mêmes à Madrid le 4 août précédent. Sur la demande de Charles, Philippe IV lui promit que, s’il se retrouvait à Madrid au prochain jour de Noël, le mariage serait immédiatement célébré, quoique le délai pour le départ de l’infante restât fixé à l’ouverture du printemps. Enfin les stipulations relatives au paiement de la dot furent réglées, et le 9 septembre Charles écrivit à son père : « Nous prenons congé aujourd’hui, et nous commençons demain notre voyage. Voici dans quel état nous laissons nos affaires. Le pape étant malade, à ce qu’on dit ici, n’a pas encore donné pouvoir de remettre la dispense aux conditions. convenues, ce qui fait que cette cour ne peut pas, quoique plusieurs