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ensuite ni assez d’autorité pour imposer les solutions qu’il désirait, ni assez d’adresse pour les faire accepter, ni assez de fermeté d’esprit pour reconnaître qu’il ne les obtiendrait pas et pour renoncer à les poursuivre. Quand Olivarez, conformément à l’expédient qu’il avait imaginé pour tirer son roi d’embarras, proposa que le fils aîné de l’électeur palatin, enfant de six ans à cette époque, fût fiancé à la seconde fille de l’empereur Ferdinand, et qu’il fût ensuite élevé à Vienne, ce qui impliquait sa conversion au catholicisme, Charles demanda au comte si, dans le cas où l’empereur se refuserait à tout arrangement raisonnable, le roi d’Espagne prêterait main-forte au roi d’Angleterre pour l’y contraindre. « Quoi ! s’écria le comte, que mon maître prenne les armes contre son oncle, contre la ligue catholique, contre le chef de sa maison ? Il ne le fera jamais. — Pensez-y bien, lui répondit Charles ; si c’est là votre résolution arrêtée, tout est fini ; ne comptez ni sur mariage, ni sur amitié. » Et pourtant il resta à Madrid et continua de négocier pour épouser l’infante. Quoi qu’en aient dit la plupart des historiens anglais, et malgré quelques paroles tendres qu’ils rapportent des deux parts, Charles ne trouvait ni dans ses sentimens pour cette princesse, ni dans ceux qu’elle lui portait, une impulsion et un point d’appui suffisans pour surmonter les obstacles religieux et politiques qui tenaient en suspens leur union ; le confesseur de l’infante était très opposé à cette union et en détournait ardemment sa jeune pénitente : « Savez-vous, lui disait-il, quel malheur et quelle malédiction vous encourrez ? Vous aurez toutes les nuits à côté de vous un homme condamné aux feux de l’enfer. » L’infante s’épouvantait, devenait mélancolique, et évitait soigneusement le prince, qui persistait à la rechercher sans l’aimer et sans être aimé.

Plus on approchait du terme, plus éclataient le vice de la politique incohérente des deux cours et, pour l’une comme pour l’autre, l’impossibilité du succès. Pour paraître un aussi grand monarque que les rois absolus du continent, le roi d’Angleterre avait voulu vivre non-seulement en paix, mais en alliance intime avec les catholiques comme avec les protestans, et pendant qu’en Allemagne il vouait sa fille à la cause protestante, il avait mis en Espagne la personne et la dignité de son fils entre les mains de la cour la plus catholique de l’Europe. Le roi d’Espagne de son côté, pour rompre l’intimité de l’Angleterre avec la France en restant en paix avec toutes deux, avait promis la main de sa sœur au plus protestant des grands princes européens, et s’était montré disposé à soutenir en Allemagne, sinon par ses armes, du moins par son influence, un petit prince protestant détrôné par la ligue catholique. Ni l’un ni l’autre des deux souverains n’avaient prévu dans quels embarras inextricables, dans quelles inconséquences choquantes et quels mensonges