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ce que j’avais fait ; elle m’en approuva et me promit son assistance. Trois ou quatre jours après, le prince me renvoya conjurer le comte de former la maison de l’infante et de donner les ordres nécessaires pour leur voyage. Le comte me demanda quel jour le prince voulait partir, et indiqua lui-même notre 29 août, ce que le prince accepta. Deux ou trois jours après, la comtesse d’Olivarez me fit appeler, et je la trouvai désolée. L’infante lui avait dit, me dit-elle, que le prince voulait partir sans elle, et elle avait tant d’humeur de le voir si peu soucieux d’elle, qu’elle ne voulait pas être fiancée avant le jour où il quitterait Madrid. Le moyen de réparer cela, me dit la comtesse, était d’aller au comte et de remettre toute l’affaire entre les mains du roi d’Espagne en lui déclarant que le prince resterait plutôt ici sept ans que de partir sans sa maîtresse, tant elle possédait son cœur. Si je voyais que cette démarche ne fit point d’effet, le prince alors pourrait partir quand il voudrait, selon l’ordre de votre majesté. Je me rendis avec cette offre chez le comte d’Olivarez, qui me reçut comme un chien. Je demandai le lendemain une audience à l’infante pour la sonder. Votre majesté, lui dis-je, m’avait ordonné de lui rendre compte de tout ce qu’elle avait fait. Vous aviez surmonté bien des difficultés pour déterminer votre conseil à adopter les articles, et vous les aviez adoptés vous-même uniquement à cause d’elle. Vous aviez donné des ordres pour leur prompte exécution, et après avoir tout fait pour faire sa conquête, sans doute ses vertus vous feraient faire encore bien davantage. Cela dit, j’entretins l’infante de la résolution du prince, et je l’assurai qu’il n’avait jamais parlé de partir que pour obtenir plus tôt sa main ; mais il n’osait plus renouveler ses instances, les voyant si mal interprétées, à moins qu’elle ne tînt pour convenu qu’il ne partirait jamais sans elle. Ceci lui plut fort… J’espère n’avoir pas mal fait en agissant ainsi ; ce dont je suis sûr, c’est que cela n’a pas nui à notre affaire, car ce matin la comtesse d’Olivarez m’a fait dire que le roi, l’infante et le comte étaient parfaitement contens, et maintenant le prince se tient pour assuré de partir bientôt et d’emmener avec lui l’infante. »

Dès qu’il eut reçu ces lettres, Jacques fit ce que lui demandaient son fils et son favori : « Je vous ai donné, il y a déjà longtemps, leur écrivit-il[1], l’ordre de ne pas perdre de temps là où vous êtes et d’amener promptement ici votre maîtresse, ce qui est mon sincère désir, ou bien, si cela ne se pouvait pas, de revenir sans elle plutôt que de traîner plus longtemps à Madrid. J’ai de pressantes raisons de vous renouveler cet ordre. Je vous enjoins donc, au nom de ma bénédiction, de revenir promptement, avec elle ou sans elle.

  1. Le 10 (20) août 1623.