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qu’on vous offre, car je crains que vous ne revoyiez jamais votre vieux père, si vous ne le voyez pas avant l’hiver. Hélas ! je me repens bien maintenant de vous avoir laissé partir ; je ne me soucie ni du mariage, ni de rien, pourvu que je vous serre encore une fois dans mes bras. Dieu le fasse, Dieu le fasse, Dieu le fasse ! Amen, amen, amen. Je proteste que vous serez aussi bien venus que si vous aviez fait toutes les affaires pour lesquelles vous êtes partis. Que je vous presse encore une fois dans mes bras, et que Dieu vous bénisse tous deux, mon unique et cher fils, mon meilleur et cher serviteur ! Et que j’aie le plus tôt possible de vos nouvelles, si vous tenez à ma vie ! Et que Dieu vous donne un heureux et joyeux retour dans les bras de votre cher père ! »

Après s’être ainsi lamenté et avoir quelque temps hésité, plutôt peut-être pour bien constater devant le peuple anglais son déplaisir que par un doute sérieux, Jacques se décida néanmoins à signer, sous serment, les articles proposés, tant secrets que publics, et à faire signer les articles publics par les membres de son conseil, comme on le lui demandait. La cérémonie fut solennelle ; le roi, ses conseillers, les principaux officiers de sa cour et les deux ambassadeurs d’Espagne, don Carlos de Coloma et don Juan, marquis de Jnojosa, l’un ambassadeur ordinaire, l’autre extraordinaire, se réunirent le 20 (30) juillet dans la chapelle de Whitehall ; lecture fut faite des vingt-cinq articles du traité, le roi et les ambassadeurs assis et découverts ; le roi, à genoux, en jura la fidèle observation, et les ambassadeurs reçurent son serment au nom de leur maître. Vint ensuite un hymne d’actions de grâces, puis un banquet dans lequel le roi Jacques porta lui-même deux santés, l’une au roi d’Espagne, l’autre au succès de leurs affaires communes. Les membres du conseil prêtèrent à leur tour, dans la salle de leurs réunions, serment d’observer aussi les articles que le roi venait de jurer : « Serment conditionnel, déclara l’archevêque de Cantorbéry, George Abbott, et valable seulement pourvu que le prince épouse l’infante, et que « tous les engagemens pris à ce sujet par le roi d’Espagne soient exactement accomplis. » Le soir du même jour, dans son cabinet particulier et en présence des ambassadeurs espagnols, Jacques jura l’observation dès quatre articles secrets. « Et maintenant, dit-il, tous les diables d’enfer ne parviendraient pas à empêcher le mariage. »

En entendant cette parole, l’un des assistans, protestant zélé dans le cœur, dit tout bas à son voisin : « Il n’y a plus un diable en enfer, ils sont tous allés en Espagne pour faire ce mariage. »

Le lendemain[1], Jacques écrivit à son fils et à Buckingham : « Mes

  1. 21 (31) juillet 1623.