Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Arrivé au palais, le prince y fut logé splendidement ; le roi lui remit une clé d’or qui ouvrait ses appartemens particuliers ; la reine, cette princesse Elisabeth de France dont Henri IV aurait voulu lui donner la main, lui envoya des présens choisis avec une délicatesse féminine et une magnificence royale ; la ville fut illuminée pendant trois jours ; les promenades, les hommages publics, les combats de taureaux, les fêtes de tout genre se succédèrent sans relâche ; à la cour et dans le pays, tous avaient à cœur de témoigner au prince leur confiance et leur espérance.

La surprise est un plaisir puissant sur les peuples, mais c’est un plaisir qui s’use vite et qui se tourne aisément en exigence ou en ennui. Les affaires d’ailleurs reparaissent bientôt au-dessus des plaisirs avec leurs difficultés et leurs lenteurs. Au milieu des caresses qu’on lui prodiguait, Charles écrivait au roi son père : « Pour notre grande affaire, nous les trouvons, à en juger par les apparences, aussi désireux que nous-mêmes de la conclure ; cependant ils soupirent encore après notre conversion, car, disent-ils, il n’y a point de ferme amitié sans union dans la religion ; mais ils mettent toujours la main de l’infante hors de question, et de notre côté nous en faisons autant pour la religion, disant que ni notre conscience ni le temps actuel ne se prêtent à leur désir. Nous vous assurons du reste que, ni dans les choses spirituelles, ni dans les choses temporelles, on ne nous demande rien que ce qui est déjà convenu… Pour conclure, nous n’avons jamais vu l’affaire en meilleure voie qu’elle n’est maintenant ; nous vous conjurons donc humblement de ne point perdre de temps pour nous envoyer les vaisseaux, afin que nous puissions vous demander bientôt en personne ce que nous vous demandons par lettre, votre bénédiction. »

Jacques répondit[1] à son fils et à Buckingham : « Mes chers enfans, Dieu vous bénisse pour les bonnes nouvelles que j’ai reçues de vous hier, qui était le jour de mon couronnement. J’ai écrit au comte d’Olivarez une lettre pleine de remercîmens et de douceurs, comme vous le désiriez ; mais vous avez mis à la fin de la vôtre une phrase très refroidissante, savoir que le nonce est opposé à notre affaire, d’où vous concluez que le pape l’est également. Souvenez-vous bien qu’en Espagne ils n’ont jamais mis en doute que la dispense serait accordée ; ils en ont réglé eux-mêmes les conditions spirituelles ; je les ai acceptées ; ils les ont envoyées à Rome, et leur consulte de théologiens a déclaré qu’à ces conditions le pape pouvait, bien plus, que, pour le bien de la chrétienté, il devait accorder la dispense. Remettez-leur ces faits sous les yeux. Je ne sais ce que vous voulez dire quand vous me parlez de reconnaître la suprématie

  1. Le 25 mars (4 avril) 1623.