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de cette maison, un rassemblement de femmes qui m’apprirent le motif de ce concert domestique. Un Chinois avait épousé dans la matinée une Irlandaise, et le fiancé célébrait lui-même la veillée des noces en jouant un air de son pays sur une informe mandoline. Ces Chinois ne restent point, comme on pense bien, confinés aux extrémités de la ville ; ils se répandent au contraire dans le West-End, où les uns vendent des poudres odorantes, tandis que les autres, tremblant de froid sous les âpres brises du nord, cherchent à exciter l’intérêt des passans. Joignez à ces figures étranges le personnel des consulats et des ambassades de toutes les nations, la population des banques et des maisons de commerce, qui traitent avec tous les pays, les sociétés bibliques où les saints livres se trouvent traduits dans toutes les langues connues, les confréries de missionnaires brûlés par le soleil des deux mondes, et vous comprendrez que la première exposition universelle ait trouvé à Londres son théâtre en quelque sorte désigné d’avance.

La grande exhibition de 1851, tout le monde en convient, a exercé une certaine influence sur les mœurs anglaises, et particulièrement sur les rapports de nos voisins avec les étrangers ; elle a aussi affaibli quelques vieux préjugés injurieux. Si des Anglais riches ont quitté Londres cette année et se sont réfugiés sur le continent pour échapper au déluge des visiteurs, il n’en est plus qui aient pris la fuite, comme en 1851, sous une impression de crainte puérile devant une nuée d’étrangers regardés comme des barbares. On peut s’attendre à ce que l’exposition de 1862 exerce une heureuse influence sur la vie et le caractère britanniques. Aussi un événement pareil, qui remue toute l’Angleterre, qui bouleverse la ville de Londres, et qui a déjà produit des changemens à vue dont s’étonnent les Anglais eux-mêmes, nous a-t-il semblé rentrer naturellement dans le cercle de nos études[1]. Comment l’exposition universelle de 1862 s’est-elle organisée ? Quel théâtre de faits et d’idées présente-t-elle au visiteur ? Deux questions auxquelles il nous faudra répondre en suivant le palais de l’industrie depuis l’origine jusqu’à son état présent de grandeur et d’enseignement moral.


I.

Le gouvernement anglais, s’étant assuré, vers la fin de 1860, que la Grande-Bretagne, la France et le monde entier seraient prêts

  1. Voyez, pour l’ensemble de ces études sur la vie anglaise, les livraisons du 15 septembre 1857, 15 février, 15 juin, 15 novembre 1858, 1er mars, 1er septembre et 15 décembre 1859, 15 avril, 15 septembre, 15 octobre, 1er décembre 1860, 1er mai, 15 juin, 1er septembre, 15 novembre 1801, 1er mars 1862.