rassemblant tous les fragmens de philosophie épars dans les ouvrages de l’évêque d’Hippone, on y trouverait plus de métaphysique que dans Socrate et Descartes. Cette louange est magnifique sur les lèvres d’un platonicien comme Fénelon, et il valait la peine assurément d’entreprendre un labeur qui devait être payé d’un tel prix. D’où vient donc que les contemporains de l’archevêque de Cambrai n’ont pas répondu à son appel ? Soit que notre curiosité scientifique ait plus d’ardeur et de précision, soit que nous sentions plus vivement le besoin d’opposer aux influences funestes de nos jours ces immortelles doctrines où le spiritualisme moderne peut retremper ses forces, on a compris enfin qu’il y avait là une œuvre d’un grand intérêt, une œuvre salutaire et neuve bien digne d’être recommandée aux recherches des penseurs. La philosophie de saint Augustin, son action sur le XVIIe siècle, sa valeur, ses mérites, ses imperfections, voilà précisément le sujet que l’Académie des sciences morales et politiques, sur la proposition de M. Victor Cousin, a mis récemment au concours. Or, sans se tracer tout à fait le même programme, deux hommes avaient devancé les vœux de la docte compagnie : M. Émile Saisset dans son Introduction à la Cité de Dieu, et M. l’abbé Flottes dans le livre qu’il vient de publier sous ce titre : Études sur saint Augustin, son génie, son âme, sa philosophie.
L’auteur de l’Introduction à la Cité de Dieu est trop bien connu de nos lecteurs pour qu’il soit nécessaire de dire quelle élévation de sentimens et quelle vigueur de pensée l’avaient préparé à cette tâche. Quant à M. l’abbé Flottes, un des premiers maîtres de M. Saisset alors que ce ferme esprit n’avait pas encore déployé toutes ses forces, nous honorons en lui un des plus dignes représentans de cette noble église gallicane, qui unissait si bien le goût des fortes études à maintes inspirations libérales. Cette tradition, si effacée aujourd’hui, est toute vivante encore chez l’homme dont nous parlons. Lorsque M. de Lamennais, en 1823, publia le premier volume de son Essai sur l’Indifférence, M. l’abbé Flottes comprit immédiatement le danger auquel ces nouvelles doctrines exposaient l’autorité de la raison et avec elle une des bases essentielles de l’église et de la foi ; il établit avec autant de précision que de prudence des principes qui devaient se retrouver un jour, et si des voix nouvelles, du sein du clergé, commencent à s’élever contre les erreurs du traditionalisme[1], l’histoire des idées doit une mention à l’esprit clairvoyant qui condamnait, il y a quarante ans déjà, ce qu’on se décide enfin à combattre aujourd’hui.
Cette fidélité aux meilleures traditions de l’église gallicane, fidélité soutenue par l’érudition la plus exacte et la plus saine critique, fait aussi l’importance principale des études que M. l’abbé Flottes a publiées sur les Pensées de Pascal et sur les écrits de l’évêque d’Avranches. Un des hommes qui ont pris le plus de part à cette grande controverse sur Pascal soulevée
- ↑ Je ne puis prononcer le nom de cette école sans rappeler les remarquables travaux que M. Charles de Rémusat a consacrés dans la Revue à ses vicissitudes. Voyez les livraisons du 1er et du 15 mai 1857.