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mais aussi pour la perfection de l’accord. » Gizzielo est mort à Rome le 25 octobre 1761, à l’âge de quarante-sept ans. Son portrait se trouve dans l’ouvrage de Grossi : Biographia degli nomini illustri del regno di Napoli.

À côté de Farinelli et de Caffarelli, ses compatriotes, Gizzielo a été l’un des sopranistes les plus remarquables de la première moitié du XVIIIe siècle. D’une figure agréable, doué d’une voix très étendue et d’une merveilleuse flexibilité, Gizzielo chantait avec sentiment la musique simple et pathétique de Vinci, qui a composé pour ce virtuose deux opéras : Didone abbandonata et Artaserse, qui passe pour son chef-d’œuvre. « C’est le Lulli de l’Italie, dit le président De Brosses en parlant de Vinci dans son voyage ; son chant est vrai, simple, expressif et le plus beau du monde. Artaserse passe pour son plus bel ouvrage, et c’est en même temps une des meilleures pièces de Métastase. Je ne l’ai pas vu jouer, mais j’en connais tous les morceaux. Tout excellent qu’est cet ouvrage de Vinci, la scène du désespoir d’Artaban, ajoutée par le poète et mise en musique par le Sassone (Hasse), surpasse peut-être toutes les autres. Le récitatif, — Eccomi alfine in libertà, — est admirable, ainsi que l’air qui suit : — Pallido il sole. — Ce morceau ne se trouve pas facilement ; c’est le prince Édouard qui a eu la bonté de me le donner, et je le regarde comme ce que j’ai de plus précieux parmi sept ou huit cents airs que j’ai fait copier. » L’air dont parle ici le président est celui que chantait Farinelli au roi d’Espagne Philippe V. Grétry, dans son Essai sur la Musique, dit aussi que Vinci fut un des premiers compositeurs italiens qui se préoccupa du sens des paroles et de la vérité de l’expression. Il parle d’un air d’Artaserse :

Vo solcando il mare infido,


qui, chanté, par le sopraniste Gizzielo, excita les transports du public romain.

Ce fut un chanteur bien remarquable aussi que Gaetano Guadagni. On croit qu’il est né à Lodi en 1725, mais on ignore et la position de sa famille et le nom des maîtres qui lui ont enseigné les premiers élémens de l’art. Guadagni aurait débuté à Parme en 1747 et serait venu en France dans l’année 1754, où il aurait chanté au concert spirituel et à la cour de Versailles avec un très grand succès. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Guadagni a eu la bonne fortune de rencontrer Gluck dès le commencement de sa carrière. Ce grand musicien a composé pour Guadagni deux rôles importans, — celui de Telemaco, à Rome, en 1754 ou 1755, et celui d’Orfeo, à Vienne, en 1762. Par ces deux partitions de Gluck, nous savons quelle était la voix du centraliste Guadagni ; nous savons aussi quel goût et quel sentiment profond distinguaient cet artiste. Comme tous les chanteurs célèbres de son époque, Guadagni se fit entendre à Londres, probablement vers 1771, et il y excita un vif enthousiasme, ainsi que le rapportent le docteur Burney et lord Edgecumbe. Ce qui est bien certain encore, c’est que le docteur Burney, voyageant en Allemagne en 1772, trouva Guadagni à Munich, où il