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cet ennui passager de quoi se consoler. Sous l’administration d’un homme doué de facultés rares, M. Frère-Orban, dont l’exemple devrait être une leçon pour les premiers rôles des grands théâtres politiques de l’Europe, elle suffit à ses dépenses utiles ou importunes sans compromettre et embarrasser ses finances. Loin de là : la Belgique est moins lourdement taxée que la France ; malgré les frais de l’armement d’Anvers et de son établissement militaire, elle n’a pas besoin de recourir aux emprunts, elle n’a pas de dette flottante, elle ignore les découverts, elle a son budget en équilibre. Bien plus, elle seule en Europe possède ce que les Anglais appellent un surplus, ce que nous nommons un excédant, cet oiseau rare sur lequel depuis une quinzaine d’années nos ministres des finances n’ont pu mettre la main qu’une fois. Cet excédant pour l’année courante sera de près de 9 millions, somme considérable sur un budget prévu à l/i7 millions, c’est-à-dire le treizième environ de celui de la France, tandis que la population de la Belgique ne représente que le septième de la nôtre. Ce n’est pas tout encore. Ce boni de 9 millions est porté à 20 millions par les excédans des ’précédons budgets, et dans un remarquable projet de travaux publics, M. Frère-Orban a pu fournir 11 millions pris sur les ressources ordinaires pour aider ou accomplir des entreprises d’utilité générale. Dans un moment où les dépenses militaires sont en train en Europe de désorganiser toutes les finances, les Belges peuvent, ce nous semble, se consoler aisément du peu d’argent improductif que leur consomme Anvers, et ils peuvent en tout cas montrer avec orgueil un tel résultat à leurs grands voisins. Nous demandons, quant à nous, à nous associer à cet orgueil, car nous sommes fiers que dans un pays qui parle français la liberté produise sous nos yeux des fruits si vigoureux et si sains.

Nous ne sommes point trompés dans les espérances que nous ont depuis longtemps inspirées les destinées de l’Italie renaissante. La reconnaissance de l’Italie par la Russie et par la Prusse est une victoire qui, pour n’être que diplomatique, est à l’Italie un juste sujet de félicitations dans le présent et de confiance dans l’avenir. La Russie traverse une crise si périlleuse que, par le rétablissement des relations diplomatiques, elle ne donne pas plus à l’Italie qu’elle n’en reçoit. Le grand avantage de cette adhésion de la cour de Saint-Pétersbourg, c’est qu’elle a entraîné la Prusse. C’est un profit réel pour le nouveau royaume italien, obligé à voir encore dans l’Autriche un ennemi naturel, d’acquérir la reconnaissance de la puissance qui balance l’Autriche au sein de la confédération germanique. Ce succès diplomatique constate un progrès moral et politique considérable pour l’unité italienne, et honorera le ministère de M. Rattazzi. La session du parlement de Turin va s’achever par la discussion d’importantes lois économiques qui hâteront le développement matériel de la péninsule. Parmi ces lois, le projet qui concerne le crédit foncier est, dans la situation où se trouvent les finances italiennes, celui peut-être qui présente la plus