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unité n’a été payée à la Compagnie des forges et chantiers de la Méditerranée que 1,380 francs; ceci, nous le savons de science certaine. Il est vrai que le constructeur anglais avait à fournir l’hélice de la frégate, tandis que chez nous c’était le gouvernement qui se chargeait de ce soin; il est vrai encore que, d’après les conditions des marchés, la machine anglaise devait pouvoir déployer aux essais une force quintuple de l’exposant nominal, et la machine française une puissance triple seulement; mais néanmoins ce ne sont pas des conditions desquelles il puisse résulter que la machine française a coûté aussi cher que l’autre. Au reste, la réputation de nos machines se fait dans le monde ; nous commençons à en fournir à l’étranger, notamment cette même Compagnie des forges et chantiers dont nous parlions plus haut, et qui a fourni des paquebots et des frégates à la Russie, à l’Espagne, à l’Italie, etc. C’est elle aussi qui, en 1860, a construit en trois mois les vingt petites canonnières à vapeur qui ont été expédiées en Chine dans des caisses et qui ont rendu de si bons services tant au Peï-ho qu’en Cochinchine, où elles combattent toujours. Nous ne serions sans doute pas encore en état de faire ce que les Anglais ont fait pendant l’hiver de 1855-56, mais nous y marchons. Les progrès si remarquables et si rapides que l’industrie métallurgique a faits chez nous depuis si peu d’années, le développement de nos voies de communications, qui contribue dans une proportion si considérable à réduire les frais de toutes les productions, et enfin les pas que nous avons faits dans la voie d’une politique commerciale plus sage nous sont de sûrs garans que notre pays regagnera la distance qui le sépare de ses voisins.

Il dépend en grande partie de l’administration de la marine de hâter ce mouvement pour toutes les industries qui peuvent contribuer à sa puissance. Qu’elle se livre avec plus de résolution qu’elle ne le fait encore à la tendance du siècle, qui la conduit bon gré, mal gré, à associer de plus en plus l’activité nationale à tous ses travaux : elle a beaucoup à faire encore à cet égard, quoique nous reconnaissions qu’elle a déjà grandement modifié ses traditions. Néanmoins elle conserve toujours des établissemens où elle fabrique une foule d’objets qu’elle devrait aujourd’hui prendre sur le marché général; elle confectionne encore dans ses arsenaux, transformés bien souvent en véritables ateliers de charité, beaucoup de choses qu’il serait avantageux pour elle de demander à l’industrie privée. Quoi qu’elle fasse, elle ne travaillera jamais à des prix qui ne soient pas plus élevés que ceux auxquels sait travailler l’intérêt individuel stimulé par la concurrence. Elle n’est pas, elle ne peut pas être un établissement commercial; elle produira toujours plus chèrement que le commerce. Et ce n’est là que le petit côté de la question, le