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banes. Quant aux émigrans libres qui, dès leur arrivée, se sont installés sur leurs propres terres, ils ont fait merveille, et leurs communes jouissent de la plus grande prospérité. En 1858, les deux colonies de Santa-Izabel et de San-Pedro-de-Alcantara comprenaient ensemble une population de 1,600 habitans, tous propriétaires. M. Avé-Lallemant n’en rencontra pas un seul qui ne fût à son aise, pas un seul qui désirât revenir en Allemagne. Ils produisaient en abondance du maïs, du manioc, du riz, qu’ils exportaient à Desterro et dans la capitale du Brésil ; ils commençaient même à planter la canne à sucre sur de grandes étendues de terrain et se promettaient de lutter avec succès contre le travail esclave. Déjà maîtres d’une partie centrale de la province, ils germanisent fortement la ville de Desterro, et l’accroissement vraiment prodigieux de leurs familles peut leur faire espérer dans un avenir prochain une influence tout à fait prépondérante.

La colonie la plus importante de la province de Santa-Catarina et peut-être de tout l’empire brésilien est celle de Donna-Francisca, fondée par une compagnie hambourgeoise sur les terres que M. le prince de Joinville a reçues en dot. Il y a quinze ans, l’homme blanc n’osait pas s’aventurer dans ces immenses forêts où se cachaient les Bugres meurtriers : en 1850, on abattit le premier arbre; en 1851, les premiers colons arrivèrent d’Allemagne, et sept ans après, en 1858, Donna-Francisca était une colonie modèle qui faisait l’admiration des étrangers. La population s’élevait à 2,500 habitans environ, distribués sur un territoire considérable. Le chef-lieu, désigné sous le nom de Joinville, se composait de maisonnettes charmantes, entourées de jardins et de cultures que de larges rues découpaient en carrés réguliers. De beaux chemins, exécutés avec un soin inconnu dans tout le reste du Brésil, même dans les colonies allemandes du Rio-Grande-do-Sul, faisaient communiquer Joinville avec Annaburg et les divers défrichemens du district de Donna-Francisca; 6,400 hectares de terre étaient déjà vendus et en grande partie mis en culture; d’autres terrains, mesurés par les ingénieurs de la compagnie, se vendaient tous les jours, non-seulement, il faut l’avouer, à des travailleurs sérieux, mais malheureusement aussi à des spéculateurs étrangers qui voulaient profiter de la plus-value donnée au sol par le travail des colons; des picadas tracées dans la forêt indiquaient l’emplacement des villages futurs, et, l’œuvre de la colonisation avançant toujours, le gouvernement s’occupait de faire mesurer pour les émigrans l’importante forêt de la couronne qui s’étend à une grande distance en dehors des limites de la colonie. Divers établissemens industriels, des usines à sucre, des scieries, s’élevaient sur différens points du district, les ouvriers