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perfectionnement des races ovines, pour lesquelles le sol montueux du pays est si favorable, à la fabrication de la soie. Les villages à demi déserts recevront une population vigilante et active; on boisera les flancs dénudés des montagnes, les terrains incultes se couvriront de moissons fertiles; la Grèce exportera des céréales, des huiles, des soieries, des vins excellens; elle aura plus d’argent et partant plus de besoins; le luxe y fera naître et y développera l’industrie[1]. Elle ne demandera plus aux contrées voisines les richesses naturelles qu’elle renferme dans son propre sein. Secourue, s’il en est besoin, par les capitaux étrangers, elle fouillera ses admirables carrières de Paros et du Pentélique, elle mettra à profit ses salines, ses pêcheries, ses houillères; elle explorera peut-être les mines oubliées du Laurium. La nation tout entière sera laborieuse et satisfaite.

Mais pour qu’elle puisse profiter largement de ces progrès, pour que son gouvernement lui-même soit susceptible d’y puiser les moyens d’influence et d’action qui lui font défaut, il est nécessaire de le mettre en mesure d’empêcher que la négligence, la partialité et la maladresse administratives ne viennent à en paralyser le développement progressif. La réforme de l’administration est une des premières nécessités de la Grèce moderne, et nous doutons que le pouvoir soit en état de l’accomplir, s’il n’est pas puissamment secondé. Il ne s’agirait de rien moins que de déraciner des abus bien plus vieux que la monarchie et de déployer une vigueur qui soulèverait les classes les plus influentes de la société. En Grèce, il n’est pas un homme de quelque influence et de quelque éducation qui ne se croie apte à remplir tous les emplois publics, et il n’est pas de personnage de quelque crédit qui n’ait de nombreux cliens à pourvoir. Il est impossible, dans ces conditions, que le personnel des fonctionnaires ne soit pas essentiellement variable; aussi en est-il bien peu dont l’éducation soit complète et bien peu aussi qui ne doivent être tentés de mettre plus ou moins à profit, dans l’intérêt de leur ambition ou de leur fortune, leur importance momentanée. Epurer l’administration, ne confier les charges de l’état, à tous les degrés de la hiérarchie, qu’aux plus instruits et aux plus capables; maintenir, sous tous les ministères, les employés qui ont bien servi; punir sans hésitation ceux qui déméritent, leur demander à tous le cautionnement et la surveillance mutuelle que la loi exige, telle est

  1. On peut dire que l’industrie hellénique n’est pas encore née. Trois ou quatre fabriques de soie végétant à peine à Calamata et à Athènes, deux tanneries fonctionnant tant bien que mal à Syra, une filature de coton et un laboratoire de réglisse établis à Patras, une poterie à Athènes, une fabrique de peignes à Hermopolis, voilà, si nous sommes bien informé, le bilan de l’industrie manufacturière du royaume.