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leur déférence pour les conseils salutaires des légations. La vérité est qu’il y avait un complot parfaitement organisé entre les militaires que le mécontentement légitime du pouvoir avait relégués à Nauplie et la garnison d’Athènes, que ce complot s’étendait à Syra, à Tripolitza, à Naxos, à Santorin, qu’il devait éclater dans la nuit du 15 au 16 février, et qu’on aurait saisi d’un seul coup la cour et tous les hauts fonctionnaires au grand bal qui avait lieu cette nuit-là au palais. Des indiscrétions furent commises et sauvèrent le gouvernement eu forçant l’insurrection à se déclarer plus tôt. La réflexion vint ensuite et lui conseilla la prudence. Les chefs principaux de l’opposition se tinrent soigneusement en dehors du mouvement. Nul doute qu’ils eussent tout fait pour l’apaiser, s’il leur eût donné des portefeuilles et des honneurs, mais que l’insurrection ne s’en fût point tenue à la stricte exécution de son programme officiel, au renvoi du ministère, à la dissolution de la chambre, à l’établissement de la garde civique, à la révision des lois électorales, au complet affranchissement du vote et de la presse dans le cas où le succès eût couronné sa tentative audacieuse. Une grande partie de l’armée grecque était renfermée dans Nauplie ; il fut question de demander secours à la Bavière. L’habile temporisation du général Hahn, qu’on envoya pour réduire les troupes rebelles, la modération et la courtoisie de ses procédés, l’appui moral que donna au pouvoir le parti de l’ordre, l’attitude des légations étrangères, leur abstention ouvertement sympathique au gouvernement royal, protégèrent heureusement le trône. Une amnistie fut accordée d’abord aux soldats et étendue plus tard aux officiers sur leur demande. Dix-neuf seulement en furent exclus; mais, si nos informations ne nous trompent pas, on ménagea sous main un compromis en vertu duquel on les laisserait sortir librement. Suivis de cent trente exilés volontaires, ils furent reçus à bord de deux bâtimens étrangers, l’un anglais, l’autre français, et transportés à Smyrne. Le même jour, les chambres furent convoquées en session extraordinaire, afin de discuter un projet de loi relatif à l’organisation de la garde nationale. Il est probable que cette concession avait été secrètement promise.

C’est ainsi que se termina l’insurrection militaire de Nauplie[1]. Elle n’a pas été vaincue sans que la dignité et l’indépendance du gouvernement hellénique aient souffert une grave atteinte. Le pouvoir royal n’en sera certainement ni plus respecté ni plus fort; l’opposition en deviendra sans doute plus hardie et plus exigeante.

  1. Les insurgés syriotes, après s’être emparés du vapeur Karteria, avaient fait voile pour Chalcis, qu’ils espéraient soulever contre le gouvernement. Ils furent attaqués en mer et faits prisonniers par le brick de guerre Amelia. Il suffit de cette facile victoire pour rétablir l’ordre à Syra.