Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les eaux. Son intention était de rentrer de nuit dans sa capitale. Il prenait quelques heures de repos à Corinthe, lorsqu’une dépêche télégraphique vint précipiter son départ. Elle lui faisait connaître que les sous-officiers de l’escorte qui devait l’accompagner du Pirée à Athènes avaient formé le projet de s’emparer de sa personne et de le tuer, s’il faisait résistance. Le roi quitta immédiatement Corinthe, débarqua au Pirée longtemps avant l’heure à laquelle on l’attendait, prit à peine le temps d’écouter le Te Deum et les félicitations d’usage, et arriva sans encombre à Athènes. Les sous-officiers qu’on accusait d’avoir voulu attenter à la vie de leur souverain furent traduits devant un conseil de guerre et déclarés innocens le 9 janvier 1862.

Un autre procès criminel qui n’inquiétait pas moins vivement l’opinion publique venait d’être jugé par le conseil de guerre que présidait M. Démétrius Soutzo. Il s’agissait de la tentative d’évasion du jeune Dosios. Les prévenus étaient accusés d’avoir voulu ouvrir les portes de son cachot et d’avoir conspiré, de concert avec les autres prisonniers, dans l’intention de s’emparer du palais et de renverser le gouvernement royal. Il y avait parmi eux des militaires, des gens soudoyés par le père du jeune régicide, des hommes de toutes les classes. M. Boulgaris, compromis déjà dans l’affaire du 28 mai, était du nombre. La défense avait d’abord allégué l’article de la constitution qui défère au jury tous les crimes politiques, quels qu’en soient les auteurs ; mais le conseil de guerre s’était déclaré compétent à l’unanimité. L’un des avocats, M. Déligeorges, parla avec beaucoup d’éloquence et d’habileté. Il combattit l’un après l’autre, par une argumentation serrée et brillante, les témoignages plus ou moins respectables sur lesquels s’était fondée l’accusation, n’hésita point à passionner les débats en accusant le ministère, et fut bruyamment applaudi. Le conseil délibéra pendant cinq heures ; un seul des prévenus, le sergent Zyakaki, fut reconnu coupable et condamné à cinq ans de réclusion, le minimum de la peine. Les autres furent mis en liberté. On admira beaucoup à Athènes l’impartialité du tribunal qui les avait jugés, et qui faisait ressortir aux yeux de la nation, par son équitable sentence, la perfidie des manœuvres ministérielles. Les faits ont cependant prouvé que, si le gouvernement hellénique s’était mépris parfois sur les vrais coupables, il n’avait point toujours poursuivi des conspirations imaginaires. Ce n’a pas été seulement pour frapper l’opposition et faire triompher le système, — c’est ainsi que ses ennemis appellent sa politique, — qu’il a déféré aux cours d’assises et aux conseils de guerre les trois complots de 1861. L’événement lui-même a donné tort sur ce point à ses adversaires. La révolte de Nauplie, la tentative insurrectionnelle de Syra, ont dé-