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le budget du département. Tout ce qui intéresse la police, la sécurité publique, l’état civil, est de son ressort, il doit se mettre en rapport direct avec tous les fonctionnaires qui administrent sous ses ordres, et la loi lui prescrit deux tournées d’inspection par an. L’éparque est assujetti, dans l’étendue de sa juridiction, aux mêmes devoirs que le nomarque; mais sa surveillance, étant plus limitée, doit être aussi plus active. Elle s’étend aux moindres détails de l’administration communale, à la comptabilité des percepteurs et des maires, à l’inspection de leurs caisses, à la vérification de tous leurs registres, et elle est elle-même aidée par un conseil électif dont le concours est en même temps un contrôle. Le maire (démarque) et son conseil occupent le dernier échelon de la hiérarchie. Au temps même de la domination ottomane, les Grecs jouissaient de certaines franchises municipales dont l’exercice était confié à un magistrat du pays, le démogéronte, qui administrait sous la surveillance d’un haut fonctionnaire national, le codja-bachi. Le démogéronte était élu par la commune; il fixait annuellement la totalité des charges foncières, et soumettait ensuite ses estimations au grand conseil de la province[1]; quand ses propositions avaient été admises, il répartissait l’impôt, sous sa responsabilité, entre les familles de son village. Aujourd’hui l’intervention active et constante d’un conseil communal élu protège les contribuables contre les dangers de la partialité et de l’arbitraire. Ce conseil choisit son percepteur, examine et approuve tous ses comptes, et distribue lui-même entre les habitans l’impôt que l’éparque et le conseil d’éparchie ont réparti entre les diverses communes, après que le nomarque, également assisté de son conseil, en a fait le partage entre les éparchies du département. A tous les degrés de la hiérarchie administrative et sociale, que la constitution a définitivement organisée, — l’état, la nomarchie, l’éparchie, la dîme, — la théorie légale veut que la bonne et honnête gestion de la fortune publique soit assurée par l’examen, le consentement, l’approbation, en un mot par le concours intéressé des assemblées électives. Toutefois la pratique administrative n’entend point se soumettre à ces tutélaires garanties. Les conseils de nomarchie n’ont jamais été convoqués; ceux d’éparchie fonctionnent très irrégulièrement, plusieurs années se passent sans qu’on les convoque, et cependant les graves abus qu’ils ont pour mission de prévenir peuvent se renouveler annuellement; les préfets et les sous-préfets, débarrassés ainsi de toute surveillance régulière, s’abstiennent souvent des tournées d’inspection qui leur sont prescrites, se dispen-

  1. Le grand conseil se composait du gouverneur, du cadi (juge), de l’ayan (primat turc) et du codja-bachi (primat grec).