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présence de dangers sans nombre et de difficultés presque inextricables.


II.

Ce serait s’écarter du plan que nous nous sommes tracé que de suivre pas à pas, dans l’accomplissement de leur périlleuse entreprise, la régence et la royauté. Nous ne voulons raconter ici ni les divisions fâcheuses, les tâtonnemens, les maladroites préférences de ces fonctionnaires allemands qui marchaient pour ainsi dire à l’aveugle sur un terrain administratif si nouveau pour eux, ni les espérances trompées, les indignations naïves, les réclamations séditieuses des pallikares évincés par les Bavarois[1], ni la fermentation tristement féconde qu’entretenaient sans relâche dans le pays les constantes intrigues des napistes, les prétentions rivales des partis, les agitations religieuses et les insurrections locales qui en étaient la suite[2], ni enfin cette aventure politique à laquelle s’associèrent les légations en méfiance de la Bavière, qui donna à la Grèce une représentation nationale que ne comportaient pas encore ses mœurs, et une constitution incompatible avec ses traditions administratives. Nous n’exposerons pas non plus les tentatives vraiment nationales de Zographos et de Coletti, les infatigables et stériles efforts que firent les conseillers de la couronne pour remédier à la pénurie du trésor, pour supprimer le brigandage, pour maintenir la balance égale entre les partis et donner satisfaction à tous les systèmes, — l’action exercée secrètement par le gouvernement hellénique à Candie et aux Iles-Ioniennes, la bienveillance partiale de l’Angleterre envers la Turquie, la violence des récriminations mutuelles qui aboutirent à cette grosse affaire du Juif Pacifico, dans laquelle l’énergique habileté de M. Thouvenel et l’intervention française ont sauvé la Grèce, — la diversion militaire et diplomatique opérée par la Russie en 1856, diversion qui provoqua les rêves ambitieux de la cour et l’inflexible répression des puissances alliées ; enfin tous ces excès et toutes ces calomnies de la presse, tous ces espoirs déçus, tous ces désirs inassouvis, toutes ces rivalités mécontentes d’où est issue l’insurrection de Nauplie, récemment domptée. Nous avons hâte d’arriver au point capital de cette étude et de mettre en regard des obstacles et des efforts les résultats obtenus.

  1. On fut obligé d’envoyer une expédition de troupes bavaroises pour maintenir la paix parmi les klephtes et les Maïnotes.
  2. Complot des philorthodoxes, dirigé par Augustin Capo-d’Istria, et qui avait pour but de placer la Grèce sous l’influence directe de la Russie ; — insurrections d’Hydra, du Magne, de l’Eubée ; — révoltes des troupes en Acarnanie et à Athènes ; — conspiration du général Makryanni ; — agitation religieuse propagée dans le Magne par les prédications fanatiques du moine Papoulaki.