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encore craintives et hésitantes. La proclamation royale n’en est pas moins, ce nous semble, un signe irrécusable de la parfaite sincérité du nouveau gouvernement que la protection des puissances donnait à la Grèce. Le jeune Othon-Frédéric ne dissimulait pas à son peuple que ses malheurs et ses souffrances, ses fautes et ses vices lui étaient bien connus; il n’hésitait pas à les déplorer ou à les flétrir; il le conviait hardiment à se mettre à l’œuvre et à partager avec lui les épreuves de la régénération.

Le protocole du 7 mai 1832 est la vraie charte d’alliance, le vrai pacte d’union de la Grèce indépendante et de l’Europe civilisée. Les Grecs, les puissances protectrices, le gouvernement du roi Othon, y peuvent lire leurs mutuelles obligations, auxquelles il n’a encore été dérogé par aucun engagement diplomatique. Les premiers articles proclament l’indépendance hellénique et la souveraineté royale du prince Frédéric-Othon de Bavière. Les articles 8, 11 et supplémentaire stipulent que, si le roi vient à mourir sans descendance directe, le trône passera à ses frères et à leurs enfans sans pouvoir être réuni à une autre couronne, et qu’à défaut de mâles, les femmes de la famille royale de Bavière seront aptes à occuper le trône. Les articles 9 et 10 portent que la majorité du prince est fixée à l’âge de vingt ans, et que, pendant sa minorité, la régence sera confiée à des conseillers choisis par le roi de Bavière. Il est convenu par les articles 12, 13 et 14 que les trois puissances faciliteront à la Grèce et garantiront, chacune pour un tiers, un emprunt de 60 millions, que les recettes effectives du royaume devront être consacrées avant tout au paiement des intérêts et à l’amortissement, sous la surveillance des représentans des trois cours, et que la compensation de 12 millions, qui est due à la Porte, sera prélevée sur le produit de l’emprunt[1]. Les articles 14 et 15 décident qu’un corps de trois mille cinq cents hommes, armé, soldé et équipé par la Grèce, sera levé en Bavière pour remplacer les troupes françaises, et que des officiers bavarois seront autorisés par le roi de Bavière à organiser une force militaire en Grèce. La question de la succession au trône et celle de l’emprunt garanti par les trois puissances sont encore à l’heure qu’il est les plus grosses questions de la Grèce.

Ainsi une nation profondément divisée en coteries avides et rivales, la violence des habitudes et l’irritation des esprits poussées à ce point que l’anarchie était devenue un état normal, presque une nécessité, et qu’il n’eût pas été possible de trouver dans le pays même les élémens d’un gouvernement régulier, — une couronne acceptée d’abord avec reconnaissance, rejetée ensuite parce que la ré-

  1. Le chiffre de cette compensation avait été fixé par le traité du 20 juillet 1862, qui stipula que les frontières de la Grèce s’étendraient du golfe d’Arta au golfe de Volo.