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a fait dans ces derniers temps de son indépendance, les perfectionnemens et les progrès que son gouvernement a réalisés, les efforts qu’elle a sincèrement tentés pour conquérir son complet affranchissement et ses droits de majorité, pour épurer son administration, améliorer ses finances, son industrie, son commerce, et se rendre propre aux destinées que lui garde peut-être un prochain avenir.


I.

Au mois d’août 1832, la commission administrative des sept, qui gouvernait la Grèce depuis la déchéance du comte Augustin Capo-d’Istria, adressait aux Hellènes une proclamation pour leur annoncer la prochaine arrivée de leur jeune souverain et l’avènement de l’ère fortunée qui allait naître. « Grecs ! y disait-elle, le sort de notre patrie est aujourd’hui glorieux ; mais, pour nous montrer dignes d’elle, il faut que la paix et la concorde règnent parmi nous, il faut oublier nos souffrances. Que les divisions cessent, que chacun s’occupe de ses affaires, que le citoyen honore l’autorité, en un mot que grands et petits unissent leurs vœux dans une seule pensée, celle d’une entière obéissance à notre souverain. » Rien ne pouvait être plus opportun que ces exhortations paternelles : elles peignent au vif la situation de la Grèce il y a trente ans. Ce petit pays avait usé en moins de douze ans cinq congrès[1], deux constitutions[2] et nous ne savons combien de pouvoirs exécutifs, sans réussir à dompter l’esprit de rivalité et de faction qui le dévorait et à fonder un édifice social sur les ruines de l’anarchie. La Grèce avait laissé tomber sous le poignard des Mavromichalis le président Capo-d’Istria. Elle venait de frapper l’administration de son frère, le comte Augustin, d’illégalité, parce que son arrogance militaire lui déplaisait, et que sa présence au pouvoir gênait des ambitions coupables. En désespoir de cause, elle attendait d’un prince allemand ce qu’elle était incapable de se donner à elle-même, l’apaisement des discordes civiles, l’établissement d’un pouvoir régulier et réparateur qui la ferait respecter au dehors, parce qu’il s’appuierait sur la sanction européenne, et lui donnerait le repos intérieur, précisément parce que, n’étant pas Grec, il pourrait être accepté par les rivalités intestines.

Au moment où la commission des sept réclamait l’obéissance pour le jeune roi qui allait porter cette lourde couronne, la Grèce, après

  1. Ces congrès s’étaient réunis successivement à Argos et à Epidaure en 1821, à Astros en 1823, à Épidaure et à Trézène en 1826, à Argos en 1829.
  2. La constitution républicaine d’Epidaure, promulguée le 13 janvier 1822, et celle qui fut votée par les députés réunis à Trézène le 17 mars 1827.