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lui dit : « Marie, je suis désolé de mourir avant de t’avoir mariée; mais ton frère en prendra soin. » Et, se tournant vers l’infant Philippe : « Prince, lui dit-il, ne l’abandonnez pas jusqu’à ce que vous ayez fait d’elle une impératrice. » C’était à l’empereur Ferdinand II qu’il voulait la marier, mariage qui s’accomplit en effet dix ans plus tard, quand les divers projets que je rappelle en ce moment eurent, les uns réussi, les autres échoué. Les successeurs de Charles-Quint et de Philippe II en Espagne désiraient à la fois rentrer en paix avec la France et maintenir avec l’Allemagne catholique l’intimité qui avait fait l’éclat et qui faisait encore la force de leur maison. En donnant sa seconde fille à l’empereur Ferdinand II, après avoir donné l’aînée à Louis XIII, le roi Philippe III atteignait ce double but, et auprès de cette double union le mariage anglais n’avait à ses yeux qu’une importance secondaire. Tout en continuant la négociation entamée avec Jacques Ier, Philippe IV persista dans les vues de son père, et le 5 novembre 1622, quand les négociateurs anglais devinrent pressans, il écrivit au comte Olivarez, son confident intime, quoiqu’il ne fût pas encore son premier ministre : « Le roi mon père a déclaré, au moment de sa mort, qu’il n’avait jamais eu l’intention de marier ma sœur, l’infante doña Maria, avec le prince de Galles. Votre oncle don Balthazar en a été instruit, et ainsi on n’a jamais traité de ce mariage qu’en travaillant à l’ajourner. Cependant l’affaire est maintenant si avancée, et l’infante témoigne à ce sujet tant d’éloignement, qu’il est temps de chercher quelque moyen d’écarter ce traité. Je désire que vous trouviez ce moyen, et je l’adopterai, quel qu’il soit. Ayez soin de donner en toute autre chose satisfaction au roi de la Grande-Bretagne, qui a bien mérité de nous, et je serai content, pourvu que ce ne soit pas par le mariage que nous ayons à le satisfaire. »

Olivarez ne trouva d’autre moyen de dégager son roi du mariage anglo-espagnol qu’en proposant à la place deux mariages allemands-anglais, celui de la princesse Marie-Anne, fille aînée de l’empereur Ferdinand II, avec le prince de Galles, et celui de la princesse Cécile-Renée, seconde fille du même empereur, avec le fils de l’électeur palatin. Cet expédient mettait fin, selon lui, aux embarras de l’Allemagne comme de l’Espagne dans leurs relations avec l’Angleterre, et il le proposa au roi son maître, en disant : « L’affaire est grande, et les difficultés plus grandes peut-être que dans aucun autre cas; mais je me sens obligé de proposer ce plan à votre majesté, et si elle me l’ordonne, je dirai ce qui me paraît propre à en préparer le succès. »

J’incline à croire que, par cette proposition, Olivarez cherchait à se faire valoir lui-même auprès de son maître en lui fournissant un