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Cependant ni l’une ni l’autre des deux affaires engagées à Madrid n’avançait réellement. L’électeur palatin voyait les places qui lui restaient encore, Heidelberg, Manheim, tomber successivement entre les mains de l’empereur. Le pape ajoutait chaque jour aux concessions demandées en faveur des catholiques anglais des exigences nouvelles et de plus en plus inconciliables avec les lois du pays et les sentimens du parlement et de la nation. Jacques s’impatientait, ordonnait à lord Bristol de poser à la cour de Madrid des questions précises, des ultimatums péremptoires, fixait un délai d’abord de deux mois[1], puis de dix jours[2], pour attendre une réponse satisfaisante, à défaut de quoi l’ambassadeur devait prendre congé du roi d’Espagne et revenir à Londres; mais le lendemain même du jour où il adressait à lord Bristol cet ordre, Jacques lui disait dans une lettre particulière[3] : « Nous vous avons donné certaines instructions signées de notre main, vous prescrivant de témoigner au roi d’Espagne le sentiment que nous avons de l’outrage que nous fait l’empereur d’Allemagne à raison de notre confiance dans les promesses de ce roi, et vous avez ordre de revenir sans aucun délai, si vous ne recevez pas satisfaction à nos demandes, telles que nous vous avons chargé de les exposer. Cependant nous vous rappelons ce que nous vous avons déjà dit : en cas d’une rupture entre le roi d’Espagne et nous, nous désirons l’expliquer et l’exploiter à notre avantage. Quand même donc vous ne recevriez pas la satisfaction que nous vous enjoignons de demander au roi d’Espagne, et que nous avons droit d’attendre, nous voulons que vous ne reveniez pas immédiatement vers nous, mais que vous nous avertissiez d’abord du fait en nous déclarant par lettre particulière, et si telle est votre opinion, qu’il n’y a rien de bon à faire et qu’on a dessein de ne nous donner aucune satisfaction, mais en nous disant publiquement et officiellement le contraire, afin que nous puissions faire usage de vos dépêches auprès de notre peuple réuni en parlement, selon ce qui conviendra le mieux à notre service. »

Ces hésitations, ces menaces et ces faiblesses alternatives produisaient leur conséquence naturelle. La cour de Madrid, tout en prodiguant toujours ses bonnes paroles, persistait dans ses obscurités et ses lenteurs.

Elle était au fond et depuis longtemps décidée, bien plus décidée que ne le savaient ou ne voulaient le savoir le roi Jacques et ses agens, et que ne l’ont dit les historiens. Le 30 mars 1621, veille de sa mort, le roi Philippe III avait fait appeler ses enfans pour leur dire adieu. En voyant entrer sa fille, l’infante Marie, il s’attendrit et

  1. Le 9 (19) septembre 1622.
  2. Le 3 (13) octobre 1622.
  3. Le 4 (14) octobre 1622.