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Alpes rhétiennes, et bientôt les garnisons romaines, assaillies de toutes parts, restèrent prisonnières dans leurs châteaux. L’idée d’Alaric était de créer du côté des Alpes occidentales une diversion à sa marche par les Alpes orientales, d’envelopper Milan dans le réseau d’une double irruption, et de diviser les forces romaines. En effet, la guerre qui éclata subitement en Rhétie au printemps de l’année 401, prenant l’Italie au dépourvu, Stilicon y fit passer d’urgence une partie des légions cantonnées autour de lui. Il envoya de même aux gouverneurs militaires de la Gaule l’ordre d’expédier sans délai ce qu’il restait de troupes valides soit dans les camps du Rhin, soit en Bretagne, afin d’attaquer le Norique à revers et d’étouffer rapidement l’insurrection. En attendant, il prescrivit la réparation des murailles de Rome, à peine entretenues depuis des siècles; il en agrandit même l’enceinte, ou du moins il y ajouta de nouveaux ouvrages sur les points le plus faibles. Le temps nous a conservé l’inscription qui constate ces grands travaux, lesquels, y est-il dit, « furent exécutés par les conseils de Stilicon. » A l’exemple de la ville éternelle, les autres cités de l’Italie se mirent à réparer leurs brèches, à mettre en état leurs remparts, et Ravenne probablement reçut alors des fortifications capables d’en faire, si la nécessité le voulait, un refuge pour l’administration impériale et l’empereur.


III.

Cette guerre soudaine presque en Italie et les mesures extrêmes prises par le régent produisirent une épouvante générale. Fortifier Rome! Rome était donc en danger; elle allait être prise, détruite : c’en était fait de l’empire, c’en était fait du genre humain! On récapitulait alors tous les présages qui depuis un an révélaient aux plus aveugles la fatale catastrophe : pluies de pierres et de sang, forêts embrasées spontanément, éclats de foudre, éclipses de soleil et de lune, rien n’avait manqué aux avertissemens du ciel. Un essaim d’abeilles s’était abattu sur l’étendard d’une légion pour y bâtir ses alvéoles, signe évident de la défaite des armées romaines et du morcellement de l’empire, en proie à la multitude des nations. Tout récemment enfin n’avait-on pas vu une comète, partie de la constellation de Céphée, aux limites de l’orient, aller s’éteindre au nord, entre la grande-ourse et le bouvier, au-dessus de la contrée des Goths, traçant ainsi comme un flambeau funèbre la route que devait suivre Alaric? Un dernier fait, étrange assurément et assez peu croyable, quoique personne n’en doutât alors, se passa près de Milan, sous les yeux mêmes d’Honorius, et mit le comble aux terreurs superstitieuses. Le jeune prince, accompagné d’une escorte, exerçait