Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lincoln n’a pas ratifié le traité américain, et nous avons le droit d’espérer qu’il ne sera point donné suite à cet arrangement. Ces circonstances sont heureuses pour nous, car elles laissent le gouvernement mexicain sous le coup des justes réclamations de plusieurs grandes puissances. Nos griefs ne demeurent pas isolés ; une habile diplomatie peut tirer parti de la situation respective des États-Unis, de l’Angleterre et de l’Espagne pour arriver, sinon à un règlement en commun des difficultés pendantes, du moins à une certaine simultanéité dans les accords devenus nécessaires. Cette situation diplomatique nous permettra, si nous en savons profiter, d’en combiner les incidens avec notre action militaire de telle façon que nous puissions arrêter honorablement celle-ci sans que nous nous exposions à encourir des responsabilités extrêmes. Parmi les raisons qui nous commandent de restreindre nos exigences à l’égard du Mexique à la stricte limite du nécessaire, une des plus importantes est la situation financière. Les difficultés pour nos finances sont surtout provenues, dans ces derniers temps, de l’abus des expéditions lointaines. Ces expéditions ont été la cause de nos découverts exagérés ; ceux-ci ont rendu nécessaire la promesse de réforme financière que M. Fould a été chargé de réaliser. On se souvient de la fermeté avec laquelle, dans le rapport de M. Fould, était signalé le danger financier des expéditions lointaines. On avait espéré que cet abus, dont les effets étaient si vivement ressentis, serait désormais évité, et l’opinion éprouva une déception réelle lorsqu’elle vit se préparer une expédition au Mexique au moment même où l’on décidait de lever de nouveaux impôts et où l’on demandait aux rentiers convertis le sacrifice de la fameuse soulte. Jamais, on en doit convenir, capitalistes et rentiers n’ont fait à aucun gouvernement un cadeau plus bénévole et plus splendide que l’abandon auquel les porteurs de 4 1/2 ont consenti en faveur du trésor de plus d’une année de leurs arrérages. La condition sous —entendue de cette offrande héroïque déposée sur l’autel de la patrie était que les rentiers regagneraient sur le capital ce qu’ils perdaient en revenu, en d’autres termes que, grâce à l’extinction des découverts et à la prudence de la politique extérieure, le 3 pour 100 arriverait à des cours élevés et y serait maintenu. Il nous semble que, dans l’arrangement passé entre le ministre des finances et les porteurs de rentes, il y a implicitement cette obligation pour le gouvernement de veiller sévèrement à ses dépenses, et par suite de mettre un frein à son penchant pour les expéditions lointaines. C’est un engagement moral qui ne doit point être traité légèrement, et qui ne pourrait être méconnu sans dommage pour le crédit public. Que l’on prenne donc garde que les charges de l’entreprise mexicaine ne viennent à une année de distance donner un démenti au programme si favorablement accueilli de M. Fould. La discussion du budget a bien été contenue dans les courtes limites de temps qui lui avaient été assignées. M. de Morny, en adressant ses adieux à ses collègues, a parlé de cette session comme si elle eût été extrêmement