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un peu calmé ces alarmes. L’amiral avait quitté Orizaba le 3 mai, deux jours seulement avant l’affaire de Guadalupe. Il avait pu venir d’Orizaba à la Vera-Cruz avec une simple escorte de soldats mexicains déserteurs, sans être inquiété nulle part sur une route de plus de quarante lieues. Rien n’était donc disposé dans le pays pour une levée en masse contre la France : il était probable que les guérillas ne s’improviseraient pas contre nous au sein de populations dont les sentimens nous étaient favorables ; il paraissait certain au surplus qu’aucune guérilla ne pourrait tenir contre nos colonnes mobiles le jour où nous serions assez nombreux pour en lancer quelqu’une entre la Vera-Cruz et Orizaba. On assure donc que l’amiral Jurien de La Gravière, au lieu de s’être laissé entraîner à des sentimens pessimistes par les appréciations si peu généreuses et si peu justes que le Moniteur avait portées sur sa politique, redressa les alarmes exagérées qui avaient suivi l’échec de Guadalupe. Cet échec ne pouvait compromettre d’une manière grave le général Lorencez. C’était un avertissement donné au général et à la France sur les précautions que nous avions à prendre. L’événement de Guadalupe venait nous montrer combien il eût été téméraire et périlleux de pousser jusqu’à Mexico avec une poignée d’hommes. Il fallait se féliciter encore de n’avoir pas couru la chance de rencontrer plus au nord la résistance qui nous avait arrêtés devant Puebla. Plus nous aurions été éloignés de notre base, et plus eût été grand le péril d’un échec. L’obstacle rencontré par nous à Guadalupe pouvait donc tourner à notre profit. Le général Lorencez pouvait, en augmentant sa sécurité et la force de son offensive future, se replier sur Orizaba. Là, il lui serait facile de rétablir les communications avec la Vera-Cruz, d’assurer le transport de ses approvisionnemens et de ses munitions, de loger ses soldats dans d’excellentes casernes durant la saison des pluies, qui ne permet pas de bivaquer, de mettre à profit cette trêve forcée des mois pluvieux pour recevoir et organiser ses renforts. Ainsi, quant à la sécurité de nos soldats, les inquiétudes ressenties en France étaient exagérées. Il n’était pas nécessaire de hâter l’expédition des renforts, d’exposer de nouvelles troupes à la cruauté du vomito ; il suffisait que nous missions nos renforts en mesure de rejoindre le général Lorencez vers le mois de septembre, à la fin de la saison des pluies, à l’époque où les ravages de la fièvre jaune diminuent, au moment où l’on peut commencer une campagne efficace.

S’il est vrai que la situation ait été ainsi présentée par l’amiral Jurien de la Gravière, l’événement vient aujourd’hui confirmer heureusement l’opinion de cet éminent officier-général. Samedi, l’on avait reçu à Paris, par la voie de Vigo, de mauvaises nouvelles du Mexique : ces nouvelles étaient le reflet des rumeurs erronées qui couraient à la Vera-Cruz ; les informations venues par le paquebot anglais les ont promptement démenties. Le corps du général Lorencez est rentré à Orizaba le 18 mai. Le même jour, le général Marquez, opposé au gouvernement de Juarez, et qui a trois mille In-