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politique se firent sentir d’une manière profonde sur l’état social.

L’absence de vie municipale d’une part, et de l’autre au contraire le grand développement des institutions républicaines, ont bien plus d’importance pour expliquer le contraste que présente l’histoire de l’art en France et en Italie. Ce qui le prouve, c’est que le seul pays en-deçà des monts où nous trouvions le germe d’un mouvement d’art comparable à celui de l’Italie, la Flandre, est aussi le seul où fleurissent des petites républiques à peu près indépendantes. Ces états, concentrés en quelques milliers d’hommes, produisent une activité merveilleuse, et favorisent le développement des écoles locales. Des villes de troisième et de quatrième ordre en Italie ont une école ayant son caractère propre, n’empruntant rien aux autres, ne sortant pas des murs de la cité, donnant à celle-ci sa physionomie à part. À partir du XIVe et du XVe siècle, les écoles entendues comme des centres distincts, où l’art se développe d’une façon indépendante, s’effacent presque parmi nous. Certaines spécialités, comme celle de l’orfèvrerie et des émaux de Limoges, se défendent seules avec obstination. Une sorte d’éclectisme est dès cette époque la loi de l’art français. Chaque artiste a son point de départ dans la mode générale de son temps, non dans la manière particulière du maître qui l’a précédé.

La cour constitue en France, dès le XIVe siècle, le principal foyer de la culture de l’art. Or il semble au premier coup d’œil que, sous ce rapport, la fin du moyen âge fut très bien partagée. Au commencement comme à la fin de leur long règne, au XIVe comme au XVIe siècle, les Valois se distinguèrent par leur goût délicat. L’historien de l’art n’est pas toujours amené à porter sur certains personnages les mêmes jugemens que l’historien de la politique et des mœurs. Tel tyran des villes d’Italie, souillé de crimes et digne des malédictions de la postérité, occupe dans l’histoire de l’art une place honorable. De même il faut reconnaître que cette dynastie des Valois, à laquelle l’historien politique est en droit d’adresser de si sévères reproches, créa le côté brillant de la civilisation française, et contribua puissamment à fonder la suprématie en fait d’élégance et de goût qui ne devait plus nous être enlevée. À partir de Philippe de Valois, la cour de France est le centre le plus distingué du monde. Les fêtes, les tournois, les mœurs chevaleresques et polies y attirent le monde entier. Trois ou quatre rois, les rois de Bohême, de Navarre, de Majorque, d’Ecosse, une foule de princes à peu près étrangers à la France, y faisaient leur résidence habituelle. Paris réglait la mode et attirait les regards de l’Europe entière. Philippe de Valois et son fils Jean apparaissaient en quelque sorte à l’imagination de leurs contemporains comme des rois de chanson de geste, passant