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L’ART DU MOYEN AGE
ET
LES CAUSES DE SA DECADENCE

Album de Villard de Honnecourt, architecte du XIIIe siècle, manuscrit publié en fac-simile, etc., par J.-B.-A. Lassus, ouvrage mis au jour après la mort de M. Lassas et conformément à ses manuscrits par M. Alfred Darcel, Paris 1858.

L’histoire de l’art chez les peuples modernes présente un phénomène qui, pour n’être pas sans exemple dans l’antiquité, n’en reste pas moins étrange : je veux parler de cette rupture singulière avec la tradition, qui, à partir de la fin du XVe siècle, nous rend dédaigneux pour notre passé et nous engage à la poursuite d’un autre idéal. Du XIe au XIVe siècle, l’Europe avait eu un art original dans le sens toujours restreint qu’il est permis de donner à ce mot quand il s’agit des choses de l’esprit. Le XIe siècle avait été témoin, en philosophie, en poésie, en architecture, d’une renaissance comme l’humanité en compte peu dans ses longs souvenirs. Le XIIe et le XIIIe siècle avaient développé ce germe fécond, le XIVe et le XVe siècle en avaient vu la décadence. Chose étrange ! ces deux siècles qui, sous le rapport politique, présentent un sensible progrès, ces deux siècles qui assistent à la sécularisation de l’état par Philippe le Bel, à la première proclamation des droits de l’homme, au réveil de la vie mondaine avec les Valois, au premier règne de la bourgeoisie patriote et intelligente avec Etienne Marcel, à l’inauguration d’une royauté administrative et dévouée au bien public avec Charles V, à la grande proclamation de la sainteté de la patrie avec Jeanne d’Arc,