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de naissance plutôt que de conviction, qui rangeaient les dieux du Capitole parmi leurs titres de noblesse.

C’est entre ces deux partis que le régent dut asseoir son gouvernement. Il commença par arrêter le parti vainqueur sur la pente des violences, dont il n’avait donné que trop de preuves lors de la défaite de Maxime, quand les dieux de Rome avaient été mis pour ainsi dire au pillage, et que Sérène s’était parée du collier de Vesta. Toujours couvert par les ordres vrais ou prétendus de Théodose, Stilicon rendit les biens confisqués, suspendit ou révoqua les décrets d’exil: les complices d’Eugène les moins compromis reprirent d’abord leurs dignités ou leurs charges; ce fut bientôt le tour des autres. On voit dans l’histoire le progrès des concessions, suivant l’apaisement des esprits. Le fils de Symmaque reçoit la préture en 397; Florentinus est préfet de Rome dans la même année, et Atticus consul; l’année précédente, Valerius Messala avait tenu la préfecture du prétoire d’Italie : tous ces personnages étaient dévoués au paganisme. Malgré tant d’exemples, on dut être étonné quand on vit, en 399, le fils de Nicomachus Flavianus, fauteur principal de la dernière guerre et adversaire passionné des chrétiens, appelé à la préfecture de Rome, dignité qui lui avait été promise par Eugène. Des lois importantes venaient assurer l’effet de ces mesures personnelles. Les évêques avaient arraché pièce à pièce à la piété des empereurs précédens une grande concession, celle d’une juridiction spéciale ecclésiastique, bornée d’abord aux clercs, puis étendue des clercs aux fidèles. C’était la création d’un for ecclésiastique, la division de l’empire en deux sociétés, l’une chrétienne, l’autre païenne, ayant chacune ses lois et ses tribunaux. Stilicon abolit ce privilège, ou du moins le réduisit aux termes justes et raisonnables d’une protection du clergé. Par compensation, et pour apaiser les plaintes du catholicisme, il cassa diverses mesures relatives aux clercs et aux évêques, prises sous le gouvernement d’Eugène, dans une pensée de rancune et de persécution, par les magistrats des villes, presque tous païens : impositions extraordinaires, rappel des exemptions pour une certaine catégorie de charges dites sordides, qui ne s’appliquait point aux classes élevées de la société; vexations de tout genre qui allaient frapper jusqu’à l’évêque de Rome. Ces désordres cessèrent. Une autre satisfaction fut donnée aux catholiques par les rudes pénalités que la loi prononça contre certaines hérésies dangereuses par leur immoralité comme celle des manichéens, ou par leur turbulence comme celle des donatistes; toutefois on put remarquer que Stilicon ménageait la communion arienne, qui comptait de nombreux prosélytes dans le nord de l’Italie et aussi parmi les auxiliaires barbares.

Vis-à-vis du sénat, l’attitude du régent fut respectueuse et digne.