Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ham. Cette race ne joue encore là, comme en France, qu’un rôle de type améliorateur, si bien qu’en juin 1861 des éleveurs américains ont pu envoyer en Angleterre, où ces animaux devenaient par trop rares, et d’où étaient cependant issus les pères des nouveaux débarqués, un certain nombre de taureaux durham qui se sont vendus fort cher[1]. Du reste, notre agriculture n’a pas aussi souvent qu’on le dit besoin de réduire les animaux à une spécialité puissante qui parfois compromet chez eux d’autres qualités, et nos progrès sont depuis quelque temps assez soutenus pour que nous exportions à notre tour un grand nombre d. reproducteurs.

Nos mérinos et leurs divers croisemens nous sont demandés par l’Australie, par l’Amérique, par l’Angleterre elle-même; nos meilleurs chevaux percherons sont enlevés tous les ans par des officiers de remonte étrangers, etc. Nous commençons d’ailleurs, pour le plus grand bien du pays, à renoncer un peu à nos excès d’anglomanie en agriculture. Après avoir beaucoup trop méprisé et par suite trop délaissé nos vieilles races françaises, nous revenons à en mieux comprendre la convenance et les mérites. Au concours international d’animaux reproducteurs de 1860, notre race charolaise avait paru si belle qu’on l’avait surnommée la race durham de la France, et certains éleveurs anglais commencent à l’introduire dans leurs croisemens. Au concours international d’animaux de boucherie qui s’est tenu à Poissy le 16 avril 1862, nos races bovines landaise, garonnaise, bazadaise et limousine, nos races porcines angeronne et normande ont étonné tout le monde. Qui aurait osé supposer chez nous, il y a dix ans, d’aussi rapides progrès?

La recherche des améliorations ne doit cependant pas se ralentir en France, car le dernier mot est encore loin d’être dit. Le sera-t-il jamais? Quoi qu’il en soit de l’avenir de notre agriculture, le véritable progrès, en ce qui concerne nos animaux domestiques, consistera toujours dans le perfectionnement de ce qui a depuis longtemps déjà sa raison d’être plutôt que dans une révolution radicale de notre système zoologique ou dans de trop aventureuses innovations. En tout cas, et de quelque bête qu’il s’agisse, l’amélioration de la terre doit précéder l’amélioration du troupeau. Ne bornons donc pas nos efforts à nous procurer de bons types reproducteurs; mais partageons également nos soins entre le sol qui nourrit nos animaux domestiques et les animaux domestiques qui fécondent notre sol. C’est de ce double travail que dépend tout succès en agriculture.


L. VILLERMÉ.

  1. Plusieurs prix de vente se sont élevés de 5 à 10,000 francs.