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grande, mais qu’il faut arracher périodiquement au corps de l’animal vivant. On soumet également ce pauvre volatile à une autre espèce de torture, celle qui a pour but de subvenir par un développement anormal, nous allions dire maladif, du foie aux cruelles délicatesses de la gastronomie. La chair et la graisse de l’oie entrent enfin pour un chiffre qui n’est pas sans importance dans notre alimentation générale .

Tout le monde connaît les mérites comestibles du dindon; mais l’éducation de ces animaux présente d’assez grandes difficultés, et ce genre d’oiseaux, d’un caractère méchant, d’un appétit vorace, conserve des habitudes sauvages et dévastatrices qu’explique sans doute le peu de temps qui s’est écoulé depuis que notre agriculture en a fait la conquête. Aussi n’en élève-t-on pas partout.

Le canard, dont la première enfance est seule délicate et qui se nourrit ensuite avec la plus grande facilité, se retrouve, lui, dans toutes les exploitations où l’on a un peu d’eau. Il anime les mares sur lesquelles il se joue, et y étale au soleil les nuances d’un plumage lustré et chatoyant. Omnivore comme le cochon, le canard met tout à profit : les débris de cuisine, les herbes aquatiques, les insectes et autres petits animaux. Il faut toutefois lui interdire l’entrée des pièces d’eau servant à élever de très jeunes poissons, qu’il saisirait entre les larges spatules de son bec sans plus de façon que s’il s’agissait de frai de grenouilles ou d’inutiles vermisseaux.

Quant au pigeon, il disparaît peu à peu de beaucoup d’exploitations agricoles. Le pigeon de volière coûte cher à nourrir, parce qu’il ne va pas marauder assez loin, et le pigeon fuyard, que l’on désigne aussi sous le nom de bizet, court partout le risque d’être impitoyablement pourchassé. Personne ne veut nourrir à ses dépens une bande d’animaux qui, bien repus des grains d’autrui, vont ensuite faire profiter un colombier voisin du produit de leurs razzias. Puis le pigeon rappelle le colombier féodal, il semble appartenir encore à l’ancien régime, dont il évoque quelques abus en prélevant sur les champs des vilains d’alentour une dîme indiscrète; nos mœurs démocratiques ne peuvent plus favoriser la multiplication de ce pillard emplumé.

Tels sont les oiseaux de nos basses-cours agricoles. Quelques autres s’y rencontrent encore de temps en temps, mais comme objets de fantaisie; aussi n’en parlerons-nous pas. Nous ne dirons rien non plus des animaux dont la production, utile dans certaines propriétés, ne peut se généraliser. Ici, ce sont les poissons[1] que l’on ramène dans des eaux dépeuplées; du côté de Bordeaux, ce sont

  1. Voyez à ce sujet, dans la Revue du 15 janvier 1861, la remarquable étude de M. J.-J. Baude, dont nous avons à déplorer la perte récente.