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lui des cochons gras, subit des fluctuations singulièrement rapides. L’inconstance de ces mouvemens ne permet guère de décider lequel, de l’éleveur ou de l’engraisseur, réalise d’ordinaire les meilleurs bénéfices.

Le porc, concurremment avec certains chiens, sert d’utile auxiliaire aux chercheurs de truffes du Périgord; mais il n’est partout ailleurs qu’une bête de boucherie. Dans les pays où l’agriculture est le plus avancée, on tient le porc soigneusement renfermé. Cette claustration est nécessitée par les habitudes dévastatrices de l’animal. Fouillant la terre avec son groin puissant pour y chercher des insectes et des racines, il laboure les pâtures qu’on lui abandonne. Le bouclement[1] qu’on lui fait parfois subir ne remédie que dans une mesure imparfaite à ces graves inconvéniens. Le mieux est donc en effet de recourir au moyen radical de la stabulation permanente, mitigée par l’adjonction d’une petite cour pavée et solidement enclose dans laquelle se trouve un réservoir d’eau où le porc puisse aller prendre les bains qui lui sont si nécessaires.

Le porc n’est pas, du reste, le seul habitant de la ferme que l’on tienne ainsi prisonnier. Il en est de même d’un autre fouilleur, plus petit, mais non moins incommode : nous voulons parler du lapin. Le lapin est un mangeur insatiable, et, réduit à l’état domestique, il ne fournit plus à notre consommation qu’une viande généralement peu estimée. Aussi ne doit-on pas le considérer comme pouvant servir d’objet à une sérieuse spéculation. Nos cultivateurs conservent quelques lapins pour varier de temps à autre les mets rustiques qui paraissent sur leur table; mais ils ne donnent jamais beaucoup d’extension à un semblable élevage. Les soins et la masse de nourriture qu’exigerait une lapinerie un peu considérable ne seraient pas facilement payés par les produits que l’on en retirerait. Nous avons vu les religieux de la Grande-Trappe de Mortagne obligés de renoncer à ce genre d’industrie, quoique leur situation près des bois et les bras nombreux dont ils disposent les missent largement à même de suppléer par des végétaux sauvages à l’insuffisance des fourrages cultivés pour leur lapinerie.

Ne devrait-on pas souvent faire des réserves analogues au sujet de la volaille? Celle que l’on enferme dans des cours ou des parcs restreints coûte à nourrir plus qu’elle ne vaut. Il lui faut une certaine liberté d’allures, afin qu’elle puisse picorer et ramasser aux portes des granges et sur les fumiers de l’exploitation les grains qui tombent, les vers et les insectes qui se cachent. Et cependant cer-

  1. Le bouclement est une opération qui consiste à fixer dans le groin du cochon un anneau ou un fil de fer destiné à l’arrêter par la souffrance quand il veut fouiller la terre.