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en moyenne moins d’une vingtaine de litres de lait. Trente litres sont souvent nécessaires; mais cette proportion varie beaucoup selon la race à laquelle appartient la bête, et selon la bête elle-même. Il est du reste très rare que les vaches qui donnent le plus de lait soient en même temps celles qui fournissent le plus de beurre. Ces dernières se rencontrent dans les races normande et bretonne plus souvent que dans aucune autre; aussi la Normandie et la Bretagne font-elles un commerce de beurre extrêmement actif. Divers cantons de la Lorraine, de la Franche-Comté et du Cantal en fabriquent également beaucoup; mais dans l’est et dans le centre de la France plusieurs pays d’herbages ont adopté de préférence la fabrication des fromages, qui, comme le gruyère du Jura et la fourme du Cantal, peuvent voyager plus loin que le beurre et se conserver plus longtemps. Cette sorte d’industrie toutefois n’est pas avantageuse seulement pour les montagnards du Jura, des Vosges et de l’Auvergne; elle peut offrir jusque dans les plaines les plus riches une source abondante de profits[1].

Les vaches, malgré tous les exemples de migrations que nous avons cités, sortent moins souvent que les bœufs des provinces natales, et ce fait s’explique par la très grande importance que le lait a prise dans notre agriculture. Nos rapports avec l’étranger obéissent aux mêmes considérations, et les comptes des douanes en donnent la preuve irrécusable[2].

Autrefois la France avait très fréquemment recours à la race de Schwitz, la meilleure des races suisses, pour développer l’ampleur et les facultés laitières de nos bêtes indigènes, sans en altérer la rusticité. On s’adressait aussi à la race hollandaise pour accroître le rendement du lait. L’importation de ces deux races persistera toujours dans un rayon voisin des pays de provenance; mais aujourd’hui les éleveurs français négligent un peu ces croisemens. On a fini par trouver mal faites les bêtes hollandaises. On a reproché aux bêtes suisses de ne pas s’acclimater facilement partout et d’être trop osseuses. Enfin ces deux races exigent une nourriture excessivement abondante et donnent un lait moins riche que celui des vaches françaises. La faveur du public agricole a donc changé d’objet et s’est presque exclusivement portée sur les races anglaises[3]. Dans la

  1. La Limagne d’Auvergne avec le senectère, la Normandie avec le neufchâtel, le calembert et le livarot, la Flandre et la Picardie avec le marollos ne se sont-elles pas acquis, comme la Brie elle-même, une juste et universelle réputation?
  2. De 1827 à 1856, nous avons importé 1,558,600 bêtes bovines, et nous en avons exporté seulement 460,880 têtes. Or ce double mouvement résulte de l’exportation de 15,169 taureaux, bouvillons et taurillons, 68,630 veaux, 12,440 génisses, 233,260 bœufs et 140,390 vaches, — et de l’importation de 127,040 taureaux, bouvillons et taurillons, 454,000 veaux, 65,240 génisses, 282,700 bœufs et 629,620 vaches.
  3. On confond ordinairement sous le nom de races anglaises toutes les races perfectionnées de l’Angleterre et de l’Ecosse. Les angus et les ayr sont des bêtes écossaises; les devon, les hereford et les durham sont anglaises.