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sécrètent le lait, cesse d’être en équilibre avec leur avant-train, qui reste trop étroit. Amaigries en outre par l’excessive activité de leur mamelle, elles cachent souvent sous de médiocres apparences des qualités de premier ordre. De cinq à dix ans, la vache est en pleine valeur, ensuite elle commence à devenir moins généreuse. La quantité de lait qu’on en obtient après le premier vêlage est toujours beaucoup plus faible qu’après les vêlages suivans, mais elle présage un peu ce que sera l’avenir; aussi les éleveurs prudens conservent-ils pour les essayer les jeunes velles qui paraissent promettre un bon rendement. Comme les bêtes de boucherie que l’on veut engraisser de bonne heure, il est bon que les vaches laitières soient issues d’un taureau encore jeune. L’influence du taureau sur les facultés laitières de ses produits tient du reste en général aux traditions d? famille, et ce genre de qualités se manifeste chez lui par des caractères extérieurs analogues à ceux que présente la vache.

On peut qualifier de bonne laitière toute vache qui fournit pendant trois cents jours une moyenne de 10 litres, soit 3,000 litres par an, et beaucoup d’étables sont loin d’atteindre un pareil chiffre. On cite bien, parmi les bêtes cotentines, quelques individus donnant par jour 40 litres de lait et 1,250 grammes de beurre; mais de tels phénomènes sont rares, et même les rendemens de 20 litres ne se présentent que très exceptionnellement pendant les premières semaines après le vêlage. Le lait qui coûte le meilleur marché n’est d’ailleurs pas toujours celui qui coule le plus abondamment; c’est celui qui provient d’une moindre proportion de nourriture, car, avant de demander beaucoup à une bête, on doit commencer par lui donner beaucoup. Certain adage vulgaire, pour exprimer cette loi physiologique, compare la vache à une armoire dont on ne peut retirer que ce que l’on a commencé par y mettre. Plusieurs propriétaires, afin de prolonger la sécrétion du lait, transforment leurs vaches en bœuvonnes, c’est-à-dire qu’ils les font châtrer. Ce procédé paraît avoir été essayé pour la première fois dans l’Amérique du Nord; de là il fut introduit en Suisse, et il commence à se répandre en France. L’opération, quand elle est adroitement faite, maintient la bête en lait pendant un temps assez long, et facilite ensuite l’engraissement final. Nous n’oserions prétendre qu’un semblable procédé doive être tenté par tout le monde; mais nous en connaissons d’assez heureux résultats pour ne pas nous étonner que quelques personnes en essaient l’application.

Dans les environs des villes, le lait se vend facilement en nature. A défaut de ce débouché si commode, les cultivateurs fabriquent avec les produits de leurs étables soit du fromage, soit du beurre que l’on sale pour l’expédier au loin, ou que l’on porte frais au marché de la ville voisine. La façon d’un kilogramme de beurre n’exige pas