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office de douce et chaste protection : le poète en charge ici la déesse Vénus, qui accourt exprès de Cythère avec son cortège habituel d’amours. Singulière pronuba pour une chrétienne et pour une bru de Théodose! Mais la poésie païenne, dans ses formules, avait des licences que tout Romain devait accepter sous peine de rusticité ou d’ignorance. Il avait bien fallu que l’empereur catholique, qui punissait les blasphémateurs, se laissât traiter lui-même de dieu, et apprît en vers et en prose quelle place il occuperait un jour dans l’Olympe. La déesse, de ses doigts divins, fixe donc l’aiguille dans les cheveux de Marie; elle serre ses vêtemens autour de sa taille, et entoure son front virginal du voile couleur de pourpre. Sérène se tient près de sa fille; presque aussi belle, elle attire presque autant les regards, et ceux de la déesse ne savent plus à laquelle s’arrêter. Tantôt la blonde chevelure et la blancheur de la mère l’appellent et la captivent, tantôt elle contemple avec admiration Marie, « dont les lèvres, nous dit le poète, ont la fraîcheur de la rose, les cheveux le velouté de la violette, les prunelles l’éclat de la flamme... Telles, ajoute-t-il comme dernier trait à son gracieux tableau, telles règnent dans les champs de Pœstum deux roses, filles de la même tige : l’une, mûrie par les feux du jour et abreuvée des rosées printanières, s’épanouit librement; l’autre se cache dans le bouton, et n’ose pas livrer au soleil sa corolle naissante. »

Cependant le jour s’avance; les grands se réunissent aux portes du palais, la foule dans les rues qui l’entourent. On n’entend au loin que le bourdonnement d’une grande multitude, cris de joie, fanfares d’instrumens, harmonies des voix et de la lyre. Le char qui doit amener l’auguste fiancée sous le toit du césar est attelé, les chevaux hennissent, Honorius impatient se récrie : il veut partir, il accuse ceux qui le retiennent, et dans ses murmures il gourmande le soleil, trop lent à se coucher.

Les vers fescennins formaient ce qu’on pourrait appeler la partie populaire des épithalames. C’était une espèce de chanson composée pour les convives, et que souvent le peuple répétait au dehors, en l’accompagnant d’une pluie de noix lancée sur les époux. La licence antique se dormait carrière dans la composition de ces chants, dont l’usage était venu de Fescennium, ville d’Étrurie, et qui de bonne heure avaient pris dans la langue latine l’acception de chansons ou de vers obscènes. Ceux de Claudien n’ont point ce caractère. Malgré l’entraînement de la coutume et aussi celui du sujet, la muse païenne se rappela qu’elle chantait pour un auditoire chrétien, et que l’austère nièce de Théodose était présente. On trouve même à côté des descriptions voluptueuses, inséparables d’un tel poème, des strophes d’une sérieuse mélancolie, qui nous offrent comme un