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de plus en plus hostile en Illyrie, et le régent pouvait être amené par les événemens à se porter de sa personne vers un point ou vers l’autre; or l’Italie voyait dans la consolidation de son pouvoir par la plus haute des alliances un gage de force au dehors et de sécurité pour elle-même. Par ces motifs, on fixa à la fin de janvier ou au commencement de février 398 les noces d’Honorius, qui eurent lieu à Milan, où le prince venait d’ouvrir son quatrième consulat, et d’où sont datées toutes les lois de cette année. Claudien fut chargé de l’épithalame.

Ce serait une bonne fortune pour nous assurément que d’avoir le programme d’une noce impériale célébrée au IVe siècle sous la direction de Sérène. Un poète vulgaire, Corippus par exemple, nous l’aurait donné dans ses moindres détails; mais Claudien faisait de trop beaux vers, sa muse était trop nourrie des grandes idées mythologiques pour s’abaisser à des inventaires de mobilier ou à de puériles descriptions de jeux et de fêtes. Cependant, malgré sa riche imagination, et quelque soin, j’allais dire quelque malicieuse coquetterie, qu’il mette à entourer les jeunes époux chrétiens des plus gracieux emblèmes du paganisme, il n’a pu échapper au sentiment de la réalité, et quand on le lit attentivement, on découvre sous le voile des symboles et dans les vagues formules du langage convenu les traits dominans d’un tableau que l’historien peut compléter sans crainte d’erreur.

Nous voici transportés d’abord au milieu des apprêts, la veille ou L’avant-veille du jour qui verra s’accomplir l’auguste hyménée. Le poète nous montre le palais envahi par une troupe d’amours et de nymphes que Vénus prépose à l’arrangement des appartemens impériaux. Laissons de côté la fiction, et voyons tout simplement dans ces messagers mythologiques des intendans, des serviteurs et des esclaves obéissant aux ordres de Sérène. Ils se mettent à l’œuvre, et le palais est bouleversé. Les uns tendent des courtines de pourpre au-dessus des cours, d’autres attachent des guirlandes de feuilles et de fleurs aux murs et aux portes, d’autres enfin s’occupent de l’atrium; on court, on se heurte, on se dépêche. « De toutes parts, dit le poète, des lustres sont suspendus aux chaînes qui les attendent, afin qu’une si belle nuit soit plus éclatante que le jour. » Des servans jonchent le seuil de branches de myrte, d’autres répandent à larges flots les eaux de senteur sur les tapis et les marbres; on brûle par monceaux les parfums d’Arabie; la pourpre de Sidon, la soie, les tissus précieux jonchent le sol; enfin les plus habiles ouvriers épuisent leur art à disposer le lit conjugal. Le poète aussi s’arrête complaisamment à le décrire. Sur des colonnes émaillées de fraîches couleurs repose le dais, assemblage éblouissant de pierreries. Le lit