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officiers parmi les favoris des autorités : c’est par voie de concours que les élèves entrent à l’académie de Woolwich depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à celui de vingt et un, et il est sans doute inutile d’ajouter que cette condition du concours a relevé le niveau moyen du savoir parmi les candidats. Les études s’en ressentiront nécessairement aussi, et même les désordres dont l’académie vient d’être le théâtre auront probablement pour résultat de faire réviser le programme des cours et les conditions de la discipline que la puissance de la routine était parvenue à conserver à peu près tels qu’ils étaient sous l’ancien système. D’un autre côté, les camps permanens que l’on a établis à Aldershot, à Colchester, à Curragh, offriront aussi de nouveaux moyens d’instruction aux officiers. Leur bravoure, leur distinction personnelle ne seront pas plus grandes que ne l’étaient celles de leurs devanciers ; mais ils seront certainement plus instruits, et, malgré le tort que leur fera toujours la nécessité des exils dans les garnisons coloniales, on doit croire que, s’il venait à se produire dans leur arme quelque révolution aussi importante que celle dont nous sommes aujourd’hui les témoins, ils y trouveraient du moins leur mot à dire et leur rôle à jouer.

Nous avons résumé dans ses traits principaux l’histoire des marines militaires de la France et de l’Angleterre depuis 1815 ; c’est l’histoire de presque cinquante ans, et il semble au premier abord que cette expérience d’un demi-siècle doive permettre au lecteur attentif d’en tirer des conclusions qui l’éclairent sur la puissance relative des deux nations. Ce serait une grande erreur. Ces cinquante ans qui ont vu les deux marines agir, tantôt ensemble et tantôt chacune pour son compte, sur toutes les mers du globe n’ont cependant été à proprement parler que des années de paix malgré la multitude des expéditions auxquelles elles ont donné lieu. Pour la France comme pour l’Angleterre, ce n’étaient que des expéditions de détail qui ne sauraient donner idée de ce que l’une ou l’autre pourraient faire si elles étaient engagées dans une grande guerre, Ni la crise de 1840, ni même la guerre de Crimée n’ont mis leurs forces maritimes à une épreuve sérieuse. L’amirauté en Angleterre, le département de la marine chez nous ont seuls combattu, mais les nations elles-mêmes n’ont été forcées dans aucune de ces occasions de se compromettre avec toutes leurs ressources. Or quelles sont ces ressources ? quelles sont les conditions auxquelles s’obtient ou se conserve la puissance sur mer ? Ce sont de graves questions, non moins importantes que celles que nous avons déjà discutées, et dont l’examen formera le complément nécessaire de cette étude.


XAVIER RAYMOND.