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lieu d’étude que jusqu’à ces dernières années l’Angleterre entretenait pour l’instruction de ses officiers.

Dans de pareilles conditions, demander aux officiers de l’artillerie anglaise ce que l’on était en droit d’attendre des nôtres, c’eût été une exigence absurde. Où étaient pour eux les moyens de soutenir, au point de vue du savoir, la rivalité avec des confrères qui, avant d’entrer dans l’arme, avaient dû en grand nombre commencer par subir les redoutables épreuves des concours d’admission et des examens de sortie de l’École polytechnique, qui de là passaient à l’école spéciale de Metz, d’où ils ne sortaient que pour appartenir à l’état-major de la spécialité chargé de la fabrication de toutes les armes et de toutes les munitions de l’armée, ou pour être versés dans des régimens dont toutes les garnisons sont des écoles d’artillerie ? Il y en a onze en France, et le travail théorique ou pratique y est incessant, comme il l’est encore aux polygones de Toulon, de Gavre, de Brest, de Châlons-sur-Marne, dans les ateliers de Paris, de Metz, de La Fère, de Châtellerault, etc. Quelquefois les études et les expériences se font dans tous ces foyers de lumière sur une échelle dont les proportions dépassent tout ce qu’on fait dans les autres pays, comme par exemple lorsqu’on a démoli le fort de Sainte-Croix à Metz, fait le siège simulé du fort de la Vitriollerie à Lyon, ouvert à coups de canon les murailles de Calais ou du fort de Gravelle. On parlait, il y a deux ans, de recherches faites sur la meilleure forme à donner aux projectiles de l’artillerie, et où l’on n’aurait pas dépensé moins de soixante mille coups de canon. Quand on songe enfin que les batteries ne quittent jamais chez nous ces centres de savoir et d’étude que pour être attachées aux camps d’instruction ou pour marcher à l’ennemi, on ne doit pas être surpris si, après avoir été recrutés comme ils le sont, et en ayant pendant toute leur carrière d’aussi grands moyens de se perfectionner dans leur art, nos officiers ont établi et maintenu la réputation dont ils jouissent dans le monde. Ils nous le devaient, comme ils se le devaient à eux-mêmes. Par suite aussi, en pensant au sort qui était fait aux officiers de l’artillerie anglaise, on ne s’étonnera pas de voir qu’à une seule exception près, aucun d’eux ne figure parmi les inventeurs qui ont entrepris de donner une artillerie rayée à l’Angleterre, et que par suite encore ces inventeurs, si habiles gens qu’ils soient dans leur industrie, mais étant étrangers à l’arme de l’artillerie, paraissent n’avoir encore produit jusqu’ici que des œuvres imparfaites.

Voilà ce qui est, mais c’est un état de choses qui sera bientôt changé. L’artillerie ne pouvait pas échapper aux réformes que les Anglais, depuis la guerre de Crimée, ont senti la nécessité d’introduire dans leur état militaire. Elle ne recrute plus aujourd’hui ses